The Mysteries of Paris
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 C'est l'heure de votre piqûre ♥ [PV : Le Vénitien]

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MessageSujet: C'est l'heure de votre piqûre ♥ [PV : Le Vénitien]   C'est l'heure de votre piqûre ♥ [PV : Le Vénitien] Icon_minitimeJeu 19 Sep - 1:28

Je crois qu’à la base, je voulais faire le bien autour de moi. Ça n’a pas été possible pour deux raisons : parce qu’on m’en a empêché, et aussi un peu parce que j’ai abdiqué.
Sauver un homme, épargner un tourment à un père, ménager la sensibilité d'une femme, ce n'est point faire une bonne oeuvre, c'est faire acte d'humanité.  ♥

« Docteur Keenan ?
-Oui ? Je levai la tête de mon dossier et plongeai mes yeux dans ceux de l’infirmière.
-Une dame vous réclame à l’accueil, elle dit que son mari va mourir, je crois que c’est urgent.
J’eus envie de répliquer que « croire que c’est urgent » était vraiment une belle preuve de sa perspicacité mais je lui souris. J’étais un homme gentil, pas un méchant monsieur cynique. Je gardais toujours mes commentaires désagréables pour moi.
-J’arrive. Merci, Hélène. »

Elle sortit de mon bureau… Le bureau de mon père, à sa mort, il m’avait légué bien plus qu’un titre et de l’argent, j’avais obtenu sa place à l’hôpital ainsi que son siège au conseil d’administration. Il avait voulu faire de moi son parfait héritier et j’osais croire que je l’étais et qu’il en était fier. J’étais sans doute le meilleur chirurgien de la ville, tout simplement parce que je soignais des patients depuis mes douze ans. L’anatomie et la biologie n’avaient aucun secret pour moi, je me servais d’un scalpel avec une grande précision et jusqu’ici, je n’avais tué personne. Du moins, personne de manière involontaire. Mais c’était un travail prenant, et en tant que Marquis, j’avais d’autres obligations, il m’était donc difficile d’avoir du temps pour moi et ma famille et contrairement à mon père, je voulais vraiment être présent pour mes deux enfants et pour mon épouse. Alors que lui, il avait abandonné Chris pour focaliser son attention sur moi. De plus, il me fallait trouver des moments libres pour assister aux réunions de l’Ordre dont je faisais partie. Bref, j’avais un emploi du temps surchargé, donc même si le mari de la femme à l’accueil était en train de faire une crise cardiaque, je n’allais certainement pas pouvoir me libérer pour lui venir en aide. A mon grand regret. Mais je n’allais pas me plaindre, je n’avais pas choisi ma vie mais j’en étais heureux et je savais que l’inaction m’ennuierait. Au moins, j’avais toujours quelque chose à faire. Je terminai de remplir le dossier et le portai à la secrétaire du directeur de l’hôpital. Je me rendis ensuite à l’accueil. Avec un peu de chance, et je pensais cela sans méchanceté, le mari de la Dame était mort. Elle se précipita vers moi et prit mes mains dans les siennes. Un sourire compatissant sur le visage, je la rassurai. Il s’agissait de la Comtesse d’Abancourt, j’avais déjà opéré son mari d’un anévrisme. Je me souvenais d’elle parce qu’elle avait été particulièrement émotive avant et après l’opération. Craignant à chaque instant que son mari ne décède. Elle se mit à pleurer et je lui demandai de se calmer pour m’expliquer la situation.

« C’est mon mari, il s’est enfermé dans sa chambre, il ne veut pas que j’entre, il m’a dit de vous faire appeler au plus vite, il se sent très mal. Faites quelque chose Docteur, je vous en prie !
Elle paraissait complètement affolée. Mais je savais ce que signifiait ce genre de comportement –celui de son mari-, et elle n’aimerait pas la suite des évènements.
-Je suis navré mais je suis très occupé, votre mari peut sans doute attendre un peu…
-Je vous en prie, vous l’avez déjà sauvé une fois… Faites quelque chose.
-Je … Bon, je vous suis.
-Merci, merci mille fois ! »

Je savais qu’un jour, mon bon cœur me perdrait. J’étais toujours bien trop gentil et je risquais de devenir dingue à force d’aider les autres. De plus, J’avais promis à Céleste de passer deux heures avec elle et au lieu de ça, j’allais soigner un homme qui avait laissé traîner ses parties intimes au mauvais endroit. Elle allait encore me faire une scène mais comme elle était aussi adorable et philanthrope que moi, voire plus, elle comprendrait. Je pris mes affaires. J’indiquai à l’accueil que je ne serais plus disponible pendant quelques heures et je suivis la comtesse. Nous montâmes dans sa diligence. Elle ne cessait de sangloter. Dans un élan d’altruisme, je posai une main apaisante sur son épaule et lui dis des mots rassurants. J’avais une excellente réputation, bon médecin et tellement attentionné envers ses patients… Elle me remercia. Je lui souris et attendis que notre voiture s’arrête devant le manoir Abancourt. Elle me conduisit jusqu’à la chambre de son époux. Je frappai à la porte, il la déverrouilla mais je l’ouvris et pénétrai seul dans la pièce. Il était affolé. Encore plus que son épouse. Et c’était tout à fait compréhensible. Je fermai à clé et posai mon sac sur une table basse. Sa chambre était richement décorée, les murs étaient bruns, couverts de tableaux que je trouvais d’assez mauvais goût mais qui étais-je pour juger ? Je posai mon regard sur le Comte et lui souris avec bienveillance. Il se grattait frénétiquement les bras.

« Docteur, je vais mourir ! Je vais mourir ! Vous devez me soigner !
En d’autres circonstances, ce brave Comte d’Abancourt m’aurait fait une révérence et m’aurait appelé « Monsieur le Marquis ». En y repensant, il était de plus en plus rare que l’on me nomme par mon titre, j’étais médecin avant tout.
-Monsieur le Comte, calmez-vous, vous n’allez pas mourir. Déshabillez-vous.
-Comment ? Mais …
-Monsieur le Comte, je ne pourrais juger de votre état qu’en observant les symptômes. Croyez-moi, j’en ai vu d’autres. »

Il hésita. J’en avais vu bien d’autres, allant des grands brûlés, aux blessés de guerre, en passant par les maladies infectieuses, les gangrénés, la peste, la tuberculose, la lèpre … J’étais médecin et chirurgien, je voyais des horreurs tous les jours. Bien évidemment, les maladies comme la lèpre, la peste ou le choléra étaient dues aux conditions de vie et surtout d’hygiène déplorables des classes ouvrières, il m’arrivait peu souvent de voir un jeune Duc avec une telle maladie. Il se décida enfin à enlever ses vêtements. Il était couvert de petites tâches roses pâles, ce que l’on appelait la roséole. Cela ne provoquait aucune démangeaison mais il était normal qu’un homme voyant apparaitre des plaques rouges sur son corps ait l’impression de ressentir l’envie de se gratter la peau. Il retira ses sous-vêtements avec lenteur. De quoi pouvait-il avoir peur ? J’étais médecin, je n’allais pas crier sur tous les toits qu’il avait des chancres d’inoculation sur le pénis. Je m’accroupis devant lui pour observer les dégâts, si j’avais été quelqu’un d’autre, cela m’aurait surement fait rire mais je me contentais de regarder. Je lui fis signe de se rhabiller, je pris ses mains, les inspectai puis les lâchai. Le problème étant qu’il n’existait encore aucun traitement efficace pour cette maladie… Je ne pouvais donc rien faire. Il boutonna sa chemise et je sortis quelques flacons de médicaments de mon sac.

« Vous avez la syphilis, Monsieur le Comte.
-Oh mon Dieu … Mais … Comment … ?
-Je crois que vous savez très bien comment cette maladie se transmet.
-Mais ce n’est arrivé qu’une fois !
-Monsieur le Comte, cela ne me regarde en aucune façon, cependant, je suis navré de vous apprendre qu’à ce jour, nous ne connaissons aucun traitement réellement efficace contre la syphilis…
-Et le Mercure ? Vous n’en avez pas ?
-Le Mercure est hautement toxique, ne changera rien à votre état, voire pourrait l’empirer. Je ne peux que vous conseiller de ne plus avoir de rapports avec votre épouse, de prendre ces cachets deux fois par jour et d’attendre… Je suis certain que dans peu de temps, des scientifiques découvriront une solution. Avec un peu de chance, la maladie ne se développera pas plus qu’elle ne l’est.
-Mais… Si ma femme me voit dans cet état … ?
-Les plaques sur votre peau vont disparaitre d’elle-même, c’est une certitude, mais votre sang est contaminé alors évitez de vous couper et de toucher quelqu’un ensuite. Moi, je ne peux rien faire de plus. Si vous savez qui vous l’a transmis, je vous conseille de la ou le prévenir qu’elle ou il est porteur de la maladie et qu’elle ou il pourrait bien tuer d’autres personnes. »

Un sourire compatissant sur les lèvres, je posai une main sur son épaule alors qu’il s’effondrait en sanglotant sur son lit. Eh oui, s’il avait résisté à l’appel du sexe, il n’en serait certainement pas là aujourd’hui. Mais encore une fois, je n’étais pas là pour juger mais pour soigner … Et là, je ne pouvais pas faire grand-chose. Même si les progrès de la médecine étaient considérables en ce siècle, il restait de nombreuses maladies mortelles inguérissables. Je ne doutais pas que cela changerait bientôt. Après tout, nous avions depuis peu le vaccin contre la rage alors que cette maladie paraissait impossible à soigner. Je sortis de la chambre, j’expliquai la situation à son épouse, sans rentrer dans les détails, je lui dis qu’il avait une maladie contagieuse et qu’il ne pourrait quitter son lit que lorsqu’il se sentirait mieux. Elle me remercia et je pris congé. J’avais encore une heure pour passer chez moi et aller ensuite à mon prochain rendez-vous. Je montai dans la diligence de la Comtesse qui me conduisit chez moi. Le majordome, Clarence, m’ouvrit la porte et me précisa que mon épouse était furieuse que j’aie encore raté l’un de nos rendez-vous. Je lui tendis mes affaires en lui disant que mon métier était tellement prenant que je ne voyais pas le temps passer. Il sourit et je rejoignis ma Dame dans le salon. Elle se leva, je posai un baiser sur ses lèvres, mais elle ne semblait pas d’humeur à l’affection.

« Vous aviez dit onze heure, Monsieur le Marquis, il est midi passé. Le déjeuner est froid !
-Voyons, Céleste, tu sais bien que je peux être sollicité à n’importe quelle heure… Mais je n’avais envie que d’une chose, rentrer pour être auprès de toi.
-… Tu manques aux enfants, Matthew.
-Je sais, mais je te jure que je fais tout pour passer autant de temps que possible avec vous.
-… Je vais les chercher pour que nous déjeunions ensemble, d’accord ? Tu ne pars pas avant treize heures ?
-Non, je ne bouge pas d’ici avant treize heures, c’est promis. »

Elle m’embrassa tendrement et monta à l’étage. Le vouvoiement n’avait jamais été de rigueur entre nous, nous nous aimions depuis le premier jour et nous ne voyions pas l’intérêt de cette distance verbale. Cependant, nous l’utilisions lors de réceptions, comme l’exigeait l’usage. La cuisinière fit réchauffer les plats, je rejoignis la salle à manger. Christian arriva le premier et je le pris dans mes bras en lui faisant des chatouilles. Il explosa de rire et me serra contre lui. Trois ans déjà… Le temps passait si vite. Nous avions longtemps essayé de faire des enfants avec Céleste et lorsqu’elle avait enfin pu tomber enceinte, elle nous avait donné des jumeaux en parfaite santé. Je les avais mis au monde moi-même. Mon épouse vint ensuite, Aurore dans les bras. J’embrassai ma fille sur le front en lui disant qu’elle était la plus belle des princesses et j’installai Christian à table à côté de moi. Je voulais d’autres enfants. C’était sans doute un peu stupide, j’avais déjà du mal à trouver du temps à consacrer aux deux que j’avais. Mais je voulais une famille nombreuse, j’avais de l’amour à revendre. Il n’y avait qu’avec mes enfants et ma femme que j’étais entièrement heureux, libre de mes actes, de mes paroles. En toutes autres circonstances, je faisais attention à tout ce que je disais, ou ce que je faisais, j’étais parfait parce que c’était ainsi que mon père voulait que je sois. Avec ma famille, je pouvais être comme je le voulais et ça me faisait du bien. Nous mangeâmes joyeusement. Les jumeaux ne cessaient de raconter leur journée ou de chanter des chansons que la nourrice leur avait apprises. Céleste riait. Je ne pouvais rêver meilleure vie, non ? Un travail que j’aimais, une famille merveilleuse … Pas une seule ombre au tableau. Tout était toujours parfaitement parfait. Je regardai ma montre, j’étais un peu en retard. Je saluai mon épouse en vitesse, frottai les cheveux de Christian et embrassai Aurore et sautai dans ma voiture. Le chauffeur me mena dans le quatrième arrondissement de Paris et je descendis. Mon après-midi était entièrement occupé par un seul patient en vérité, l’un de mes premiers, si ce n’était le premier. J’avais commencé à m’occuper de lui quand j’avais douze ans, il était le patient de mon père au départ mais les soins dont il avait besoin n’étant pas très difficile à faire, j’en avais hérité quand j’avais été en âge de m’en occuper. Je l’aimais beaucoup, il était adorable et toujours souriant. Je ne l’avais jamais entendu se plaindre. Je supposais que nous étions proches. Je poussai la porte dérobée qui menait à ses appartements et pénétrai à l’intérieur. Il était là, sur son lit en train de lire un livre. Je lui souris gentiment et m’approchai de lui.

« Je suis ravi de vous revoir et je suis sincèrement navré de mon retard mais j’ai été débordé toute la matinée. »

En vérité, je venais plus le voir par plaisir que par nécessité. Après autant de temps, je savais qu’il y avait peu de chances que sa blessure s’aggrave. Mais j’étais bien placé pour savoir que rien n’était jamais définitif en médecine, il arrivait que des hommes meurent longtemps après la déclaration de la maladie. Mon ami n’avait plus rien de grave au sens médical. Je m’assurais juste que tout allait bien… Autant physiquement que mentalement. J’avais vu des patients devenir complètement dingue en se voyant dans le miroir après une amputation ou un incendie. Ou bien en se rendant compte qu’ils étaient devenus la risée de leur confrère. Je ne voulais pas que cela lui arrive. Je m’installai sur son lit, à côté de lui.

« Vous savez, je ne pense pas que vous ayez encore besoin de mes services en tant que médecin. Excepté si vous aviez envie d’une opération de chirurgie réparatrice qui, même si ce n’est que le début, pourrait être efficace et que je me ferai une joie de vous faire. Cela dit … J’aime beaucoup vous rendre visite et m’occuper de vous me permet de souffler un peu avec mon emploi du temps très chargé. Le problème étant que vouloir une famille quand je passe mon temps à l’hôpital est très compliqué. Mais passons, mes affaires personnelles ne sont pas une chose dont je devrais discuter avec vous. Comment allez-vous ? »

Je souriais toujours, et j’avais réellement envie de savoir s’il allait bien. Je m’intéressais à chacun de mes patients avec beaucoup de soin, c’était bien le minimum pour un médecin. J’avais parfois envie de dire des choses désagréables comme tout le monde mais la plupart du temps j’étais vraiment aimable et attentionné. C’était mon mode de vie : La gentillesse et la volonté d’aider les autres.

« Je me demandais … Si cela n'est pas trop indiscret, pourquoi avoir choisi de vous faire appeler le Vénitien ? »



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MessageSujet: Re: C'est l'heure de votre piqûre ♥ [PV : Le Vénitien]   C'est l'heure de votre piqûre ♥ [PV : Le Vénitien] Icon_minitimeVen 27 Sep - 18:57




C'est l'heure de votre piqûre
feat Matthew & Le Vénitien

« Quand un innocent meurt soudain, Dieu rit. Dieu a confié le monde aux méchants. Il a rendu tous les juges aveugles, et si ce n'est point Dieu, qui est-ce ? Si je souris et que j'essaye d'oublier ma douleur, toutes mes souffrances reviennent me hanter ; je sais que Dieu me tient pour coupable. Si je suis coupable, que m'importe ? Aucun savon ne saurait laver mes péchés.»
-----------------------


Chaleur. Douleur. Larmes. Trou noir. Allongé dans son grand lit, William ne cessait de tourner sur lui-même, agité par de terribles cauchemars qui ne cessaient de l'assaillir. Il voyait tout d'abord le visage tranquille de son père, allongé dans son cercueil. Il ouvrait les yeux et tendait la main vers son fils. Une main qui se transformait en cendres. L'image de Charles Baudelaire brûlait alors et, comme du papier, les images du rêve s'effritèrent avant que William ne se retrouve au milieu de l'appartement où il habitait jadis avec son père. Tout était en feu. Chaleur. Douleur. Larmes. Une poutre s'effondra sur la jambe du petit garçon qu'était alors William. Les flammes lui léchèrent la peau, le visage. Il hurla de douleur avant de perdre connaissance, le cerveau embrumé.

William se redressa dans ses couvertures, l'esprit hagard. Il baissa les yeux sur ses longues mains pâles qui reposent sur ses cuisses, inertes. Sa respiration saccadée reprit un semblant de rythme et il inspira profondément avant de se lever. Ses pieds nus ne frémirent même pas lorsqu'ils touchèrent le sol glacial de la chambre où il dormait. Il se dirigea d'un pas lent et assuré jusqu'au miroir qu'il avait soigneusement recouvert d'un drape brun. Il l'attrapa et le fit lentement glisser sur le sol, les yeux fermés. Lorsqu'il les ouvrira, il verra son reflet dans le miroir. Le reflet d'une personne qu'il ne connaissait pas. Le reflet d'une personne qui, jadis, fut un charmant jeune garçon plein de vie. Comment était-il avant que le feu ne le ronge et ne le réduise à l'État de Rien du tout, d'un monstre de foire ? Il ouvrit les yeux, face à sa propre image renvoyée par la glace. Son visage encore enfantin, à peine entré dans l'adolescence, lui fit face. William s'approcha lentement de son reflet et posa un doigt sur son image reflétée. Il était vraiment laid avec toutes ces brûlures sur le visage. Elles étaient d'un rouge vif, pour certaines, plus sombres pour les autres. Et aujourd'hui, elles lui faisaient terriblement mal. Plus que d'habitude. Cela faisait longtemps qu'il n'y avait plus prêté attention. Ses yeux gris se perdirent dans son image, contemplatifs. William serra le poing avant de donner un coup magistral dans le miroir qui se brisa, se fendilla et vint déformer l'image du jeune homme. Un petit sourire se peignit sur les lèvres de l'intéressé.

« Et voilà. Maintenant ce miroir reflète la vérité. » souffla-t-il entre ses lèvres avant de rabattre le draps au-dessus et de ramasser les quelques bouts de verres qui étaient tombés sur le sol.

Il tendit sa main ensanglantée devant lui et haussait les épaules. Il en avait vu d'autres, la douleur n'était qu'une simple information, après tout. Il versa un peu d'eau dans une bassine et trempa sa main à l'intérieur, afin de vaguement la désinfecter. Après quoi, il enroula une sorte de bande improvisée autour de sa blessure et tira les rideaux. Un rayon de soleil matinal vint éclairer les lieux. William se détourna aussitôt de la lumière du jour et se dévêtit. Son pyjama était en soie de couleur vert émeraude. Il le laissa tomber sur son lit avant de saisir quelques vêtements hauts en couleur dans sa penderie. C'était le genre de costume que l'on mettait pour carnaval, ou pour présenter un spectacle. Il attrapa ensuite un masque vénitien de sa grande collection et le plaça habilement sur son visage. Il redevenait lui-même.

Dans de petits sautillements, le Vénitien ouvrit la fenêtre de sa chambre et laissa échapper un rire émerveillé de ses lèvres. Il avait une vue imprenable sur une grande partie de la ville de Paris, depuis le château où il vivait. Les autres membres de l'Ordre n'allaient pas tarder à arriver pour une réunion matinale. Ian Anderson avait été envoyé pour une mission de repérage nocturne dans les jardins du Luxembourg et Mathieu de Charny était censé avoir quelques scoops pour faire tomber deux personnages importants de la noblesse française. Laissant la fenêtre grande ouverte pour aérer la chambre, le Vénitien prit soin d'attraper la dague dissimulée sous on oreiller afin de la ranger à sa ceinture, perdue entre diverses fanfreluches. Il descendit les escaliers de sa tour, guilleret. Son apparence était celle d'un jeune garçon d'une quinzaine d'années bien que ce ne soit pas le cas, en réalité. William avait une trentaine d'années, voire plus. Mais avait cessé de grandir, à un moment de sa vie, physiquement et mentalement. Bien que son intelligence soit grande, et ses décisions très réfléchis, ses paroles étaient toujours énigmatiques, peu claires et ses agissements ceux d'un enfant heureux de vivre. Les membres de l'Ordre savaient que leur chef n'était pas aussi fou qu'il en avait l'air, c'était pourquoi ils le suivaient sans broncher. Et penser à la plume d'or qui vaudrait une fortune, qui apporterait le pouvoir... La plume d'or dont ne cessait de parler Charles Baudelaire. Le Vénitien poussa la porte de la salle de réunion où se trouvaient déjà les deux intéressés : Ian et Mathieu. L'homme masqué leur fit une révérence exagérée que les deux hommes saluèrent d'un hochement de tête. « Alors, comment allez-vous ? »

La réunion se passa très bien, elle fut plutôt courte. Ian devait retourner à ses obligations de comte, auprès de sa femme, et Mathieu avait l'intention de boire un coup avant de continuer la journée. Le Vénitien leur fit un grand sourire caché par son masque. Les deux hommes s'éloignèrent et la porte claqua sinistrement. William était à nouveau complètement seul. Bien loin de s'en plaindre, il s'élança au sommet de sa tour et se laissa tomber sur son lit, les bras écartés. Il y avait bien quelques domestiques dans le château, mais ils ne vivaient pas ici. C'étaient des pions qui servaient l'ordre pour être plus précis. Il remonta dans sa chambre, peu désireux de se mêler à la foule aujourd'hui. Et puis... Normalement, Matthew devait passer le voir. Qui était-ce ? Son médecin personnel. Il s'était occupé de lui avec son père lorsque le Vénitien avait eu cette brûlure au visage. Et il s'occupait toujours de lui, même s'il n'en avait plus vraiment besoin désormais. William s'allongea sur son lit et saisit un livre entre ses doigts. C'était un ouvrage des fleurs du mal, il les avait dans toutes les éditions. Ces poèmes étaient devenus célèbres après la mort de Charles Baudelaire. A croire qu'un génie ne pouvait être reconnu de son vivant...

William du se plonger dans les ouvrages de son père durant plusieurs heures, car il loupa l'heure du déjeuner et entendit à peine que quelqu'un entrait dans sa chambre. Il perçut un bruissement de tissu et releva vaguement la tête, pas inquiet le moins du monde. L'homme présent était Matthew, bien évidemment. Il se redressa sur son lit, s'assit en tailleur et referma son ouvrage. Matthew s'approcha de lui, sourire aux lèvres, le saluant. Le Vénitien ne put que lui rendre ce salut d'un hochement joyeux de la tête. Les quelques grelots accrochés à son masque tintèrent joyeusement, en accord avec ses sentiments. Il était heureux de voir un vieil ami lui rendre une petite visite. William connaissait son médecin personnel depuis que celui-ci n'était qu'un bébé. Eh oui ! Malgré ses apparences de jeune homme tout juste sorti de l'adolescence, Will était en réalité un homme d'une trentaine d'années, voir plus. Lorsque l'incendie lui avait ravagé le visage, quelque chose s'était brisé en lui lorsqu'il avait vu son visage dans le miroir. Quelque chose s'était cassé dans son esprit. Et il avait dès lors refusé de grandir, rejet de l'âge adulte où il devrait devenir responsable et faire face au Monde. Monde qui ne l'aimait pas et se riait de lui à gorge déployée. Surtout les nobles.

Matthew s'installa sur le lit, juste à côté du Vénitien qui plongea ses yeux gris dans les siens. Il aimait beaucoup avoir de la visite, notamment celles de personnes qu'il aimait bien. Il commença à lui parler de chirurgie réparatrice. Cela, William n'en voulait pas. Il préférait garder son visage brûlé. Cela faisait parti de lui maintenant, cela reflétait sa personnalité. Il ne voulait en aucun cas avoir la peau d'un autre sur le visage. Et si jamais ça ratait... Ce serait pire, encore. Mais Matthew ne pouvait pas savoir tout ça, il ne fallait pas lui en tenir rigueur... Le Vénitien lui sourit derrière son masque et secoua doucement la tête. Matthew avait une famille, une femme et deux enfants en bas âge, ainsi qu'un frère qui traînait dans les bars et dans les rues, au chômage. William savait tout cela, il savait tout de ses fous, de ses cavaliers et de ses tours. Les pions, il s'en fichait un peu. Comme leur nom l'indiquait, ce n'était que des pions. Il aurait mieux fait de passer du temps avec sa famille plutôt que de rester ici, dans cette chambre ronde au sommet d'une tour. Il était gentil et il souriait. Le Vénitien adorait Matthew pardessus tout, finalement. Plus qu'Aimée. Parce qu'Aimée n'était que le pion principale de l'échiquier, rien d'autre. Bien sûr, le Vénitien avait une grande affection pour lui mais c'était tout. Avec Matthew, c'était plus intime puisqu'il connaissait tout ce que les autres ignoraient : ses brûlures, son père, son vrai nom... Tout. Suite à sa dernière question, le Vénitien laissa échapper un petit rire cristallin. Il attrapa les mains de Matthew dans les siennes et les serra très fort.

« Je vais toujours bien, faut-il qu'il fasse beau ! Quant à ta dernière question, je pense qu'y apporter une réponse serait parfaitement inutile. » il lâcha les mains de son ami et pointa son masque avec ses deux indexes avant de laisser échapper un nouveau rire amusé.

William poussa un léger soupir et tendit sa main bandée devant son visage. Il allait pouvoir demander à Matthew de la lui soigner, il ne serait pas venu pour rien ! Il déposa sa main sur les genoux de son ami et leva la tête vers lui.

« Je me suis coupé, ce matin, tu pourrais arranger ça ? Ca ne fait pas mal, mais je n'aimerais pas qu'on soit obligé de me couper la main. »

Son ton était doux, et calme, comme la musique d'une berceuse. Il fit un grand sourire à son ami derrière son masque et caressa sa joue de sa main valide. Il était très affectueux avec ses proches, relatif à son manque d'amour dans son enfance. Du plus loin qu'il se souvenait, il n'avait jamais reçu le moindre geste d'affection... Ou alors de très rares sourires de son père, ou une main passagère dans ses cheveux pour les ébouriffer. Mais rien d'autre. Il fallait dire que, à part les quelques relations passionnelles avec des femmes, le plus grand amour de Baudelaire était toujours, et à jamais, sa poésie et son art... Il n'y avait pas beaucoup de place pour un fils. Mais William était fier d'être l'enfant de cet homme, malgré tout. Sinon il n'aurait jamais repris l'investigation de son père et ses rêves chimériques de trouver une soi-disant plume d'or... Le Vénitien posa sa tête sur l'épaule de Matthew et ferma les yeux.

« La beauté ne se voit bien qu'avec le cœur, le reste est invisible pour les yeux. » murmura-t-il. « Tu ne m'as jamais trouvé abject, n'est-ce pas ? Dis-moi... Es-tu heureux de servir l'Ordre ? Je me demande si cela t'apporte un quelconque intérêt mis à part les cadavres et les sujets que tu peux étudier pour faire avancer la médecine et être le meilleur... » il resta pensif, laissant sa phrase en suspend.
© MISE EN PAGE PAR YOUNG.HEART.
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