The Mysteries of Paris
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 Visite habituelle. [ Pv : Nathanaël ]

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MessageSujet: Visite habituelle. [ Pv : Nathanaël ]   Visite habituelle. [ Pv : Nathanaël ] Icon_minitimeVen 7 Sep - 20:59

Pas de peur, pas d'affolement, et la faculté d'ignorer totalement ce qui est sans importance.

La nuit porte conseil, dit-on. Ce n'était pas franchement mon cas. Assis sur mon fauteuil, je fixais vaguement la pendule accrochée au mur. Mes yeux suivaient la trotteuse rouge qui se déplaçait au file des secondes. Le temps ne m'avais jamais semblé aussi long qu'à cet instant précis. Mon chef – car, malheureusement, même si je transgressais beaucoup d'ordres, je n'étais pas mon propre patron – m'avait obligé à prendre une semaine de congé. Quel patron forcerait un employé à cela ? Hé bien un patron soucieux de leur santé. Mais je n'avais pas besoin de cela. J'allais parfaitement bien, ma santé n'avait jamais été meilleure... En fait, non. Ce n'était pas vrai. J'étais dépressif, drogué et insomniaque. Mais qu'y pouvais-je ? J'avais, en effet, travaillé plus d'une semaine sur une affaire assez délicate, résolue avec succès, sans vanter mes formidables exploits... Mais cette semaine avait été éreintante, je dois l'avouer. Je n'avais fermé l'oeil qu'une heure par nuit, voir jamais pour certaines. Pourtant, je ne m'en était jamais plaint, toujours en alerte, l'oeil vif, une tasse de café ou une canette de Red-Bull à la main afin de garder mon énergie concentrée. Bien entendu, seules mes longues poches grisâtres sous mes yeux attestaient de mon manque évidant de sommeil. Maudites traîtresses. Ainsi, alors que le dossier avait été classée comme résolu, j'étais revenu au bureau le lendemain, un peu abattu, mais toujours aussi travailleur. Et c'est là que mon patron m'était tombé dessus, comme un oiseau sur sa proie, et m'avait forcé à prendre des congés. Au moins quatre jours, le temps de récupérer. Plus la journée que j'avais prévue car mon frère me rendait visite. Pourtant, je ne voulais cesser mes activités. Je ne pouvais rester inactif, je savais que dans ce cas, je m'avachirais dans un fauteuil, dans mon sombre appartement en désordre, et céderais à une déprime inévitable. Peut-être Ethan passerait-il. J'espérais qu'il passerait, tout au fond de moi, mais d'un côté, je ne le souhaitais guère. Je voulais rester seul à présent. Seul dans mes pensées négatives, seul sur mon fauteuil, la tête reposant dans la paume de ma main, mes yeux suivant le rythme du temps.

Cette pendule m'étourdissait, mes pensées commençaient à se faire – bien malgré moi – vagabondes. Je n'aimais pas dormir. La nuit ne portait jamais conseil dans mon cas. Bien au contraire. Elle me rappelait des choses que j'aurais préféré ne jamais revivre et oublier. Mais il semblait que les choses en avaient décidé autrement. Toutes les nuits n'étaient que cauchemars et horreurs se je sombrais trop longtemps dans un sommeil, soit disant, réparateur. Ces maudites nuits me causaient plus de soucis qu'autre chose. Je travaillais parce que je n'avais que ça. Je travaillais parce que je me raccrochais à mon travail autant que je le pouvais. Tout comme je le faisais avec Ethan et Nathanaël, sans vraiment me l'avouer. Mes phrases cyniques et, bien souvent, méchantes, devaient les blesser. Pourtant ils restaient là quand même. Je me demandais bien pourquoi... Moi, je serais parti. Ou peut-être pas. Je ne voulais pas me retrouver tout seul, même si je l'étais tout le temps. Au fond de moi, je savais que cette horrible solitude me pesait, que j'avais besoin d'action, de piment. Bien sûr que j'aimais le calme et supportais peu de temps la compagnie d'autrui mais... Mais j'avais besoin, un minimum, d'Ethan et de Nathanaël que, pourtant, je rejetais. Pourquoi étais-je ainsi ? Je pensais avoir une idée là-dessus mais je ne souhaitais pas l'évoquer. Ni avec moi-même, ni avec quelqu'un d'autre. Ils devineraient. Ou alors j’emmènerais mes sentiments – détestables et pathétiques sentiments – dans ma tombe. Je clignais vivement des yeux. Non : hors de question de m'endormir. Je détournais la tête de la pendule et me levais, désintéressé par ce qu'il se passait autour de moi. D'ailleurs que se passait-il autour de moi ? Strictement rien puisque j'étais tout seul... Démonstration magistral de ce qui saute aux yeux. Je du prononcer ces paroles à voix basse. Je commençais à me faire des réflexions dénuées d'intérêt, comme ces personnes, dehors, qui ne réfléchissaient pas, qui agissaient, qui croyaient tout savoir mais qui, au contraire, ne savaient strictement rien. Ou peut-être que si... Elles savaient. Mais elles mettaient un temps considérable avant de comprendre quelque chose. Et ça, c'était pathétique. Mais au fond, moi aussi je l'étais... Pathétique et seul. Je pouvais bien insulter ces inconnus, ça ne changerait rien à ma situation. Pourtant, j'étais nettement supérieur à eux, il ne fallait le nier.

Je m'avançais vers la fenêtre aux volets fermés. Je ne comptais pas les ouvrir. A quoi bon, il faisait nuit de toutes façons ! J'appuyais simplement ma tête contre les carreaux froids pour me réveiller un peu. De l'eau aurait été plus efficace, mais je ne voulais pas m'asperger trop brusquement. Je prendrais sans doute une douche tout à l'heure, après avoir grignoter une biscotte qui traînait sur la petite table de la cuisine. Mon appartement était modeste, je n'avais pas besoin d'un grand espace : je vivais seul. La porte donnait directement sur mon foutoir : la salle de séjour accessoirement. Les livres étaient soigneusement rangés dans les étagères – bien que certains traînent de droite à gauche, formant quelques piles vacillantes – mes vêtements, étalés de part et d'autres de la pièce, étaient sales pour la plupart. Je faisais quelques lessive mais, parfois, je rachetais des chemises et des caleçons neufs pour avoir quelque chose à me mettre sur le dos. La cuisine n'avait pas de porte, elle était ouverte sur la salle de séjour, petit, avec un petit coin tranquille : une cuisine américaine comme diraient les français. En angle droit. Une table au centre, où quelques assiettes s'empilaient, propres ou sales... Je ne savais plus exactement. Des paquets de céréales sur une étagère, accompagnés de biscottes et d'un peu de confiture de cerise. A droite de la cuisine, une porte donnant sur ma chambre. Chambre, bien entendu, dans un désordre inomable. Mes draps n'étaient jamais faits... De toute façon je ne dormais jamais dans mon lit, je m'assoupissais dans mon fauteuil une ou deux heures... Parfois plus, car l'être humain a besoin de sommeil. Une véritable perte de temps. Et puis, à droite de la salle de séjour, un peu plus bas que la chambre, se trouvait la salle de bain. Une simple douche, un lavabo et des toilettes. Comme je le disais, c'était amplement suffisant. Je vivais seul et n'avais besoin de rien de plus. Des invités, je n'en avais jamais non plus. Sauf en de rares occasions comme Ethan ou Nathanaël. Mais c'était tout. Et c'était bien assez.

Mes paupières étaient de plomb ce soir... Cette nuit... Quelle heure était-il ? Environ vingt-trois heures, en tout cas c'était cela lorsque mes yeux avaient quittés la pendule. Je contractais les muscles de ma mâchoire pour retenir un bâillement qui s'étouffa dans ma gorge. Je refusais d'être fatigué. L'accepter, aurait été d'accepter à la fois mes cauchemars et mes peurs profondes. Je n'étais pas prêt. Je ne serais jamais prêt. Je m'en moquais. Mieux valait vivre, et, surtout, une enquête. Oui, c'était cela dont j'avais besoin : une affaire fascinante. Je redressais la tête et me reculais avant de me diriger vers la salle de bain. J'avais cette impression étrange. L'impression que l'on a lorsque l'on manque de sommeil, que l'on est bourré ou, dans certains cas – tout dépend – drogué. J'étais ici, et à la fois, ailleurs, un peu transporté. Je savais ce que je faisais, mais, à la fois, je ne le savais pas. Je posais ma main sur le robinet du lavabo et fit couler de l'eau qui semblait glacée sur mes doigts. Je m'en aspergeais le visage. J'eus l'impression qu'une multitude de petites épines venaient s'y planter férocement. Je fixais l'image fantasmagorique que me renvoyait le miroir. J'eus presque pitié de cet homme qui se tenait là, devant mes yeux, les yeux rougis et cernés, le visage dégoulinant d'eau fraîche et aussi pâle qu'un cadavre. Je faisais peur, je ressemblais à un fantôme malade. Je posais une main sur le verre, laissant une trace mouillée au passage, avant de secouer la tête et de me détourner. J'éteignis la lumière et fermais la porte derrière moi avant de tourner en rond dans mon appartement, comme un fauve en cage. Je finis par sentir mes jambes se dérober sous moi. Tremblant, je me laissais tomber sur une chaise, en passant une main sur mon visage pour en chasser la fatigue. Elle finirait par me rattraper.

Je portais machinalement mon indexe à ma bouche pour ranger mes ongles et la peau qui les entouraient mais j'arrêtais brusquement mon geste. J'avais décidé de ne plus le faire. D'une part ce n'était pas très joli, et d'autres part mes collègues les moins stupides auraient prétendus que j'avais des problèmes, que c'était une forme de mutilation. Je me levais plutôt, lentement pour ne pas vaciller, et me dirigeais jusqu'au réfrigérateur pour saisir une canette de Red-Bull. Je l'ouvris mollement et en but quelques gorgées. Visiblement, cette boisson n'avait plus beaucoup d'effets sur moi. Ou trop peut-être... Je sentis mon cœur battre plus vite, je lâchais la canette. Quel con je faisais ! Pourtant je savais doser la cocaïne. Pourquoi n'avais-je pas anticipé avec le Red Bull ? S'ajouta la fatigue, le mélange de ces deux choses qui se battaient dans mon cerveau me firent affreusement mal au cœur. Mon sang battait dans mes tempes et résonnait dans ma tête. J'en avais la nausée. Le monde se mit à tourner autour de moi. Cela faisait longtemps que je n'avais eu ce genre de sensation. Je m’agrippais à une chaise avant de me laisser tomber sur le sol, aussi lourdement qu'un sac de sable. Mon corps fit un bruit mat en tombant, ma tête rebondit mollement sur le carrelage. Je ne du pas me faire bien mal, je ne tombais pas de très haut. J'avais connu pire. Je cessais de de débattre. Le sommeil m'enlaça la taille et m'entraîna dans de profondes ténèbres. Ténèbres que je détestais tant.

Une main se tend dans ta direction. Machinalement, tu l'attrapes. Elle te tire en avant. Quand tu veux faire demi-tour, il était trop tard. Tu savais où cette main t'amenait. Tu savais à qui elle appartenait. Tant pis. Tu avais fait l'erreur de la prendre. Il ne fallait jamais saisir une main tendue, connue ou inconnue. La confiance ne se gagnait même pas, elle ne devait pas exister. Car toutes confiances était rompue, à chaque fois. Et à chaque fois, ne restait que de la déception. Au secours... Ne cris pas. Tu sais que ça ne sert à rien. Personne ne viendra jamais te sauver. Jamais. Tu entends bien ? Jamais ! Tu es seul, on ne t'entendra pas car les petits mots se perdent au vent. Ou, tout simplement, des yeux se ferment, des oreilles se bouchent. Tu es tout seul. Ne fais confiance à personne. « Je t'aime. » Dis-le. Toi aussi, au fond de toi. Tu aimes cette voix, ce corps, ce me...

Un liquide froid coulait sur mon visage. L'effet fut immédiat : une décharge électrique traversa tout mon corps et mes yeux s'ouvrirent brusquement. Je me redressais, frappé par la foudre. Mes yeux se posèrent sur une silhouette familière. Mes yeux s'habituèrent à une vision normale et je reconnu Nathanaël qui reposait un verre sur la table. Mon rythme cardiaque était redevenu normal et... j'avais dormi. J'eus une soudaine nausée, comme avant de sombrer dans le sommeil. Mais c'était comme un lendemain de cuite... En moins puissant. De plus, je n'avais jamais pris de cuite. Je ne pouvais donc pas savoir... Je me relevais et tâtais l'arrière de mon crâne : rien de grave, sans doute une légère bosse. Je regardais froidement mon frère, distant comme toujours. Pourquoi le traiterais-je différemment ? Il n'avait rien de plus que les autres... Enfin si, c'était mon frère. Et je l'aimais comme tel. Je pris la parole, avec nonchalance, comme si cette situation était tout à fait normale.

« Bonjour. ~ Tu as toujours le double des clés à ce que je vois. Fort bien, fort bien. Je crains je plus avoir de café à t'offrir mais si tu veux … un verre de... d'eau ? »

Sans attendre de réponse, je lui en servis un. Je ramassais la canette de Red Bull que j'avais laissée tomber dans ma chute et la mis à la poubelle. Un miracle, devrais-je dire. Sans lui adresser un regard supplémentaire – non par gêne mais sans doute plus proche d'un désintérêt – je lui tournais le dos pour aller m'asseoir dans un fauteuil de la salle de séjour. Je ne proposais pas à Nath' une chaise, je le connaissais bien pour savoir qu'il ne se gênerait pas pour s'asseoir. Il avait beaucoup changé depuis des années... La toute première fois que nous nous étions retrouvés seul lui et moi, c'était encore un petit garçon timide et hésitant. Je lançais, trempant mes lèvres dans le verre d'eau que je m'étais servi entre temps :

« Qu'est-ce qu'y t'amène par ici, cette fois ? Je sais que tu aimes raconter tes petites affaires que tu trouves intéressantes, alors ne te gêne pas. Et je sais que tu ne te gênes jamais chez moi. »

Je m'efforçais de sourire en coin. Je n'avais pas envie de sourire. J'aimais beaucoup mon frère certes. Je devais bien l'avouer. Mais je ne pouvais m'empêcher d'être méchant avec lui, le rabaisser et l'ignorer. J'avais agis presque toute ma vie ainsi en sa compagnie. Depuis que... Passons. Je levais néanmoins mes yeux vers lui, pour le regarder un peu et le détailler d'un rapide coup d'oeil. Il savait quand je le « sondait » et n'aimait pas ça. J'essayais donc de le faire discrètement. Il paraissait relativement en forme. Un peu de peinture tâchait légèrement son pantalon, sans doute invisible pour ceux qui n'avaient pas le sens de l'observation tel que le mien. Il s'abandonnait donc toujours à cet art... Enfin, cela m'importait peu.

« Ne te gêne pas, fais ta biche. Et surtout ne te presse pas, nous avons le temps.  »

Je venais de lancer une réplique de la pièce de théâtre « Les bonnes » de Jean Genet, un auteur français. Je ne savais pas si mon frère avait de la culture dans ce domaine. S'il n'en avait pas, il n'y verrait rien d'autre que l'une de mes phrases sarcastique. Oui, je pratiquais le sarcasme, très souvent même. D'un ton cassant. Je bus encore une petite gorgée et attendant.

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MessageSujet: Re: Visite habituelle. [ Pv : Nathanaël ]   Visite habituelle. [ Pv : Nathanaël ] Icon_minitimeDim 16 Sep - 11:58

Avant de renoncer à quelqu'un, essaie de te rappeler toutes les raisons pour lesquelles, tu restais accroché à elle.

Dans deux mois. Dans deux mois, je serais marié. C’était étrange de savoir que j’allais me marier. Inattendu aussi et légèrement flippant. Ça ne changerait rien à avant… Il n’y avait que les idiots qui pensaient que le mariage changeait la vie. C’était simplement une étape, une façon pour un tueur en série gay de se venger de la société mais aussi un moyen de réduire les impôts. Et puis j’aimais Damon de tout mon cœur… Enfin de l’organe qui me servait de cœur. N’importe quel psychiatre dirait que je n’avais ni sentiments, ni bonté, ni compassion. C’était assez vrai. J’étais dénué de tout cela, tels Gille de Rais, Elizabeth Bathory ou Ted Bundy. Je ne m’apitoyais jamais sur le sort d’un petit africain mourant de faim, ni sur celui d’une jeune femme battue et violée par un inconnu et encore moins sur les parents d’une de mes victimes. Je ne ressentais jamais le besoin d’aider une vieille à traverser la rue, ni celui de donner de l’argent à un clochard ou celui d’offrir spontanément un bonbon à une petite fille. Non pas que j’étais quelqu’un de méchant, j’adorais les enfants mais je ne savais pas le faire et je n’en voyais pas l’utilité. Mais contrairement à mon frère. Je me forçais. Parce que j’avais une image magnifique à renvoyer aux autres. J’étais un jeune homme poli, bien éduqué, souriant. Je m’évitais les mauvais travers comme l’alcool et la cigarette depuis toujours pour paraître normal. Pour être mieux que normal. C’était une sorte de couverture. Qui soupçonnerait le gentil voisin qui va faire les courses une fois par semaine pour la vieille d’en face, celui qui garde le chien du couple d’à côté quand ils partaient en vacance. J’étais quelqu’un de gentil. En apparence. Il le fallait. Ça ne me dérangeait pas plus que ça de jouer la comédie. Peut-être parce qu’au fond de moi, j’aurais voulu être quelqu’un d’autre. Avec des sentiments. Un mec sensible qui pleurerait devant l’annonce d’une nouvelle guerre. Mais je n’étais pas ainsi, tant pis. Tout cela pour dire que j’éprouvais des sentiments, peu, mais j’en éprouvais. Je savais que j’aimais profondément Damon, autant que mon frère.

Nous allions donc officialiser cela par un mariage, signer un bout de papier à Washington dans le district de Columbia, l’un des états d’Amérique qui avait légalisé le mariage gay. J’avais hâte. Mais je laissais le soin de la préparation à Damon. Non pas que cela ne m’intéressait pas, mais même en étant un homme organisé, je n’avais aucune idée du traiteur à choisir, de la couleur des nappes, du spectacle ou même de la musique. J’avais peur de faire des gaffes tout simplement parce qu’à part une maîtrise chirurgicale du meurtre, je ne savais rien faire de mes dix doigts. J’avais eu la chance, ou le malheur, de grandir dans une maison remplie de domestiques, je n’avais jamais rien eu à faire et ça m’arrangeait bien, à l’époque. Maintenant, c’était un peu plus handicapant. J’avais appris à me débrouiller dans la rue et tout ça, mais bon… Je n’étais pas certain que tuer soit toujours la bonne chose à faire. Bref. J’avais embrassé Damon, mon magnifique et merveilleux fiancé avant de retrouver le confort sommaire d’un taxi quelconque. Je n’avais pas envie de le quitter et je savais que lui non plus ne voulait pas que je parte. Il était jaloux et possessif, mais ça ne me dérangeait pas. C’était de cela dont j’avais besoin. J’avais besoin d’un amour sincère, viscéral et étouffant. Je pouvais compter sur Damon pour ça. En échange, je me fichais bien qu’il m’appelle trois fois par jour, qu’il tente toujours de me retenir lorsque je devais partir ou qu’il me prenne la main à chaque fois qu’un homme me regardait pour lui signifier que j’étais déjà pris. Nous nous comprenions. J’étais heureux comme ça. Le manque d’amour que j’avais ressenti toute ma vie, il le comblait en quelques années. Je savais que nous avions tous les deux besoins de recevoir l’amour inconditionnel de quelqu’un. Sans lui… Sans notre rencontre, je n’aurais jamais décidé de me marier. Il n’y avait que lui et il n’y aurait toujours que lui. Et puis, je trouvais ça adorable, le côté ultra possessif. C’était, pour moi, la plus belle preuve d’amour qu’il pouvait me faire.

Je n’avais pas réellement envie de partir. J’allais voir mon frère, à Washington et dans les deux mois qui suivaient, on y retournerait pour se marier. J’aimais mon frère, là n’était pas la question. Je l’aimais énormément lui aussi. Mon cœur était partagé en deux, une moitié appartenait à John et l’autre à Damon. Ça suffisait amplement. Cependant, je me surprenais moi-même du choix des deux personnes auxquelles je tenais le plus, au monde. Autant pour mon fiancé, c’était clair et logique. Nous nous connaissions depuis plus de trois ans et nous continuions de nous regarder et de nous embrasser comme si nous étions deux gosses de dix ans qui découvraient l’amour. Mais pour John… C’était différent. Il me méprisait, me rabaissait, il insultait constamment mon talent, mon intelligence, j’en avais l’habitude, mes parents étaient comme cela aussi. Mais même si je savais, au fond de moi, du moins je l’espérais secrètement, qu’il n’en pensait pas un mot, tant qu’on ne me disait pas clairement les choses, j’avais tendance à ne rien croire. Il parvenait à me déstabiliser, me faire douter de ses véritables sentiments à mon égard. J’avais terriblement peur de découvrir un jour qu’il ne m’aimait pas, je me persuadais donc, qu’il m’aimait. Et en retour, je l’aimais autant que je le pouvais. J’inventais des souvenirs heureux de lui et moi, enfants. C’était pitoyable mais bon… Au point où j’en étais… John avait toujours été mon modèle, mon héros. Il n’avait peur de rien, et maintenant, il était dans la police, c’était un justicier. Sans être gentil ou méchant, il était là. Alors tant pis. J’avais Damon pour m’aimer et John pour veiller sur moi. L’un n’allant pas sans l’autre dans mon cerveau dérangé. J’avais besoin des deux, ils m’étaient indispensables, malheureusement. Je pris l’avion pour Washington. Damon me manquait déjà. Le vol me parut interminable, j’eus le temps de dessiner. Des cadavres, des suicidées, de la violence. Rien qu’avec mes dessins, on pouvait comprendre que je n’étais pas très net dans ma tête. John ne voyait rien. Ou plutôt, il ne voulait rien voir. Il se persuadait que son petit frère était un simple d’esprit, avec un passe-temps sans aucun intérêt et qui venait lui rendre visite pour on ne sait quelles raisons irrationnelles et stupides. Bon, pour le dernier point, j’étais d’accord avec lui. Mais il pensait que j’étais idiot depuis le jour où il m’avait trouvé en train de me taillader les poignets, enfin je le supposais. De toute façon, il ne comprenait rien, il ne me connaissait pas et il s’en fichait. Je le vivais mal, c’était normal, pour moi, tout ce qui comptait, c’était de faire plaisir à mon frère, de lui ressembler… Avant de rencontrer Damon, du moins, c’était ça mon but. Mais rien ne marchait, je ne me souvenais pas l’avoir entendu une seule fois me dire qu’il m’aimait, ni me faire un compliment, je ne m’en étais jamais plaint… Mais je commençais à en avoir marre, surtout depuis que je savais qu’il existait autre chose que l’indifférence et le mépris. Depuis que je connaissais Damon, qui me répétait qu’il m’aimait, qu’il adorait mes tableaux, que je n’étais pas un idiot sans talent. J’étais décidé à changer les choses avec John, mais pour ça, nous allions devoir nous ouvrir.

Cela ne m’amusait pas plus que ça. Je ne parlais jamais de moi, mais j’avais envie de savoir pourquoi John était aussi con. Quand j’étais adolescent, j’avais compris qu’il avait des problèmes, mais je n’avais jamais demandé. J’attendais qu’il me parle en premier. C’était peine perdue. Je devenais deviner ou le forcer à me raconter ce qui s’était passé. Dans l’un des cas comme dans l’autre, je n’en avais pas envie. Parce que j’allais forcément devoir parler de moi et que ça m’énervait rien que d’y penser. Je pris donc un taxi jusqu’à mon hôtel. Je prenais toujours un hôtel pas trop cher, dans l’éventualité où John ne pourrait ou ne voudrait m’accueillir chez lui. J’y posais quelques affaires et gardais le minimum avant de me rendre chez mon cher frère. Il ne fallait pas croire que je n’aimais pas John. Je l’adorais… Sinon je ne reviendrais pas. J’avais bien complètement coupé les ponts avec ma mère, ce n’était pas une chose très difficile à faire. Bref. Je montai jusqu’à l’appartement de John. J’avais la clef, j’ouvris sans frapper et j’allumai la lumière. Je constatais que rien n’avait changé, c’était toujours le bordel. Que disait le dicton déjà… Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis ? … Je soupirai et décidai d’ouvrir les volets. Je savais que John ne travaillait pas aujourd’hui m’enfin il n’était pas obligé de faire la grasse matinée. Je vérifiais qu’il n’était pas dans la chambre. Je le trouvais finalement étendu dans la cuisine. De mieux en mieux. Il avait abusé sur la drogue, l’alcool, les deux ? Je remplis un verre d’eau et le lui lançai dans la figure. Vengeance personnelle. C’était jouissif. Je reposai le verre et souris à John. Le réveil était agréable ? Je l’espérais. Il ne posa sur moi qu’un regard froid et dénué de sentiments. J’en avais l’habitude, même si c’était toujours aussi insultant. Il me proposa à boire… Je n’eus pas le temps de répondre qu’il m’en servit un. Je le pris, parce que j’étais quelqu’un de poli… Comme à chaque fois que je venais le voir, il ne me montra pas de réel intérêt, je m’installais dans l’autre fauteuil après lui.

Agréable, il me lança sur la raison de ma visite. L’idée que j’avais juste envie de le voir ne l’effleurait pas. Cela signifiait qu’il comprenait parfaitement qu’il était un sale con. Je le regardais me détailler, je le connaissais par cœur, que cherchait-il ? … Je m’en fichais après tout. Je me demandais toujours s’il finirait par remarquer que j’étais un tueur. S’il verrait quelque chose d’inhabituel. Mais non, jamais. J’aimais à penser que j’étais plus intelligent que lui, que j’étais un excellent menteur, et que si lui ne voyait rien, alors jamais personne ne m’arrêterait. Simplement… J’en doutais. Mais tant pis pour lui. Je savais que lorsque je le lui dirais, dans peu de temps, il me regarderait avec effroi. Il se rendrait compte qu’il n’était pas aussi infaillible qu’il le pensait, qu’il n’avait jamais rien remarqué d’étrange ou d’anormal dans mon comportement, quelque chose qui aurait pu lui permettre de comprendre. Il se dirait que la seule personne, enfin je supposais être la seule, en qui, il avait confiance l’avait trahi, que même en moi, il ne pouvait pas avoir confiance. Que j’étais un fou psychopathe. Ce n’était évidemment pas le cas, pour moi, rien ne changeait puisque j’étais ainsi depuis longtemps. Il pouvait avoir toute confiance en moi. Et toute cette scène me ferait énormément de peine parce que John allait me détester et me haïr pour la simple raison qu’il n’avait rien vu. Pas parce qu’il allait s’inquiéter pour moi, pas parce que je devais sans doute avoir des problèmes pour être devenu un tueur, pas parce que je risquais la prison… Juste parce qu’il allait se rendre compte qu’il n’avait pas toujours raison. Et rien que pour cela, j’appréhendais cet instant. Mais pourquoi résister à l’envie de l’humilier ? Lui qui avait toujours eu autant de considération pour moi que pour un analphabète marocain travaillant clandestinement dans une station-service. Il méritait que je me moque de lui, pour changer. Surtout que je connaissais déjà la fin de la scène. Il me dirait de partir, il ne pouvait accueillir un tueur sous toit alors qu’il était policier. Je lui promettrais que jamais je ne tuerais dans sa ville, que je faisais attention puis je le supplierais de pouvoir rester, parce que nous étions frères et que je ne pouvais me passer de lui. Je le flatterais dans le sens du poil parce qu’il adorait ça et il me laisserait rester après avoir encaissé l’idée que j’eusse réussi à lui cacher des choses, à lui, l’homme le plus intelligent de la planète après Mozart. Je revins à moi avec sa dernière phrase, il devait se dire que je ne connaissais pas. J’avais déjà entendu cette phrase, enfin lu, dans un livre mais c’était français et ma culture générale s’arrêtait à l’histoire de l’Angleterre. J’avais une assez mauvaise mémoire, enfin une mémoire plutôt sélective. Je me souvenais de ce que je voyais, surtout en peinture, et de ce que je lisais mais après, les noms d’auteur et de peintre, j’oubliais rapidement. Sans parler des quelques souvenirs que j’avais de mon enfance… J’avais tendance à effacer ce que j’estimais peu agréable ou sans intérêt.

-Il est vrai que j’adore raconter mes petites affaires que je trouve intéressantes. Mais je n’ai pas vraiment de but précis pour ma visite. Tu es mon frère alors je passe te voir de temps en temps, comme dans n’importe quelle famille normale.

Je caressai machinalement les vieilles cicatrices sur mon poignet. Famille et normal étaient antinomiques chez nous. J’arrêtai de toucher mon poignet, John allait le voir et il allait encore me prendre pour un abruti nostalgique du merveilleux temps où il se tailladait. C’était simplement un réflexe stupide que j’avais à chaque fois que je parlais de famille. Fort heureusement, ma famille, ce serait bientôt Damon et j’oublierais le peu de souvenirs que j’avais de cette vie misérablement pitoyable. Je bus le verre d’eau et le posai sur une table… Enfin je supposais qu’il s’agissait d’une table, sans exagérer, John pourrait vraiment faire un peu de ménage… Je lui souris tendrement, en supposant que je ressente de la tendresse envers mon frère. Je ne savais pas ce que j’avais aujourd’hui. J’étais toujours heureux de rendre visite à John d’habitude mais là… J’étais peut-être stressé par mon mariage … Ou j’avais peut-être, vraiment envie de lui parler, pour changer. J’avais toujours apprécié sa personnalité distante, froide, je l’appréciais parce que c’était ou cela, ou je tombais en dépression. Mais aujourd’hui, je voulais autre chose, et ma personnalité chaude et lumineuse n’y changerait rien, je devais deviner ce qu’il avait, le confronter au problème et lui faire un câlin. Mais avant… Un peu de bonne humeur ne ferait pas de mal. Je me concentrais intérieurement pour lui offrir un visage joyeux.

-Tu apprendras, avec énormément de plaisir, que je vais me marier ! Avec Damon, évidemment. Et puisque je sais que tu m’adores, que je t’adore, que nous sommes les meilleurs amis du monde, tu seras mon témoin ! Alors, ça fait quoi d’être l’élu ?

J’avais retrouvé ma nonchalance naturelle. Pas pour longtemps. Je le regardais dans les yeux. Je savais exactement ce que j’allais dire. Je tentais de doser mes mots. Je ne pouvais pas prévoir la réaction de mon frère à mes prochaines paroles. Enfin, je me demandais si j’allais voir de la peur dans ses yeux, de la tristesse ou simplement de la surprise. Je me demandais même s’il ne m’accuserait pas de plaisanter. Nous allions voir cela tout de suite. Je pensais à Damon. C’était aussi pour lui que je faisais cela. En le rencontrant, j’étais persuadé qu’il allait découvrir son penchant pour la tuerie, je devais le prévenir avant… Qu’il ne soit pas trop étonné. Et surtout qu’il ne décide pas de gâcher mon mariage en arrêtant mon fiancé. Comme je doutais fortement de son amour pour moi, je craignais qu’il soit capable de me faire ça. J’inspirai. Je pris un air plutôt sérieux, sans abandonner mon sourire. Il ne verrait aucune trace de mensonge dans mon comportement mais je pouvais toujours feindre la plaisanterie s’il le prenait mal.

-Johnny… Je dois te demander… Qu’est-ce que tu ferais si je t’annonçais que j’étais un tueur en série ?


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MessageSujet: Re: Visite habituelle. [ Pv : Nathanaël ]   Visite habituelle. [ Pv : Nathanaël ] Icon_minitimeDim 14 Oct - 16:30

Je pensais vous connaître, mais je suppose qu'il est plus facile de voir ce qu'on veut plutôt que de chercher la vérité.

Je clignais des yeux, peu habitué à la lumière. Je devrais sortir plus. Mais cela ne me disait guère. Que ferais-je dehors ? Rien de très intéressant. Ici, il y avait mes livres, mes journaux, ma drogue, mes petites habitudes... Dehors il y avait des gens stupide, la vie quotidienne et bruyante, le froid, la ville, les voitures, … Et tant d'autres choses que je n'aimais pas. Quoique le froid, je m'en fichais, c'était juste une prétexte que je servais à Ethan pour ne pas sortir de temps en temps. Je posais ma tasse de café sur la table basse, j'estimais avoir eu assez de caféine pour le moment. J'avais faillit faire une attaque, j'en étais conscient. Mon but n'était pas le suicide, je me fichais tout simplement des conséquences. Bousiller ma vie, tant pis. Tant que mon cerveau était intact ainsi que ma capacité d'observation et ma logique. Je vivais un peu pour cela. Sans elles je n'étais plus rien et là, le suicide aurait été envisageable je suppose. Quoique le suicide était incroyablement stupide, et stupide j'étais loin de l'être ! De plus, les suicidaires étaient courageux. Moi, j'étais un lâche et pis encore. Mais tant pis. Tant mieux... Peut importe. J'écoutais Nathanaël parler d'une oreille distraite. Ses propos ne m'intéressait guère... Du moins c'est ce que je voulais croire. Parce que malgré tout, j'enregistrais tout ce qu'il me racontait. J'eus d'ailleurs un moment de bug lorsqu'il prononça « Famille normale ». Notre famille ne l'était pas le moins du monde, et il le savait. Je savais qu'il le savait... Ou alors il ne le savait pas... Enfin ce qui importait c'est que moi je le savais et que j'avais raison... Arrivez-vous à suivre mon raisonnement ? Peut importe, je me comprenais et c'était bien suffisant. Mes yeux se posèrent sur les gestes de Nathanaël qui caressait son poignet. Je me rappelais parfaitement du jour où j'avais découvert qu'il se tailladait. Il n'avait rien voulu me dire. Je voulais l'aider, je crois... Même si j'avais d'autres chats à fouetter. Je m'y étais sans doute mal pris parce qu'il avait coupé court à la conversation. Je n'étais pas l'exemple du grand frère parfait pourtant j'aimais Nathanaël... Enfin sûrement. Je ne pouvais simplement pas le lui dire.. Ni le lui montrer. C'était au-dessus de mes forces. J'étais affectueux en un sens... J'essayais de l'être. Je ne savais seulement pas m'y prendre.

Je ne relevais pas. Je n'avais pas envie. Ca aurait été cruel. Certes, cruel je l'étais gratuitement et parfois sans m'en rendre compte... Mais je ne souhaitais pas l'être. Pour une fois que je tournais sept fois ma langue dans ma bouche avant de parler... Je fis donc mine de ne rien avoir remarqué. Son visage joyeux me faisais de la peine. Comment pouvait-il sourire comme ça, si lumineux ? Je ne lui rendit pas cette bonne humeur, je me contentais de le fixer avec mes yeux plein de froideur. Je me trouvais méchant... Mais les gens méchants ne disent pas qu'ils le sont. Alors je supposais que je ne l'étais pas vraiment. Passons. Je saisis un paquet de cigarettes qui traînait sur la table basse. Je n'avais pas de cheminée, chauffé par un chauffage central. Une télévision trônait sur une étagère dans laquelle était rangée quelques DVD de films que j'avais jugés bons ou intéressants, de l'action ou des polar quoique médiocres. J'en relevais les défauts et les scénarios parfois vaseux. La science fiction ne me dérangeait guère non plus. Par contre je détestais le dramatique, les romances ou toutes ces autres formes stupides. Bref... Je mis la cigarette dans ma bouche mais ne l'allumais pas. Je croyais me souvenir que Nathanaël ne supportait pas bien la fumée ou, du moins, n'aimait pas la respirer. C'était tout à son honneur mais ce n'est pas pour si peu que j'allais me gêner. Je n'étais pas du genre poli, prévenant, ou gentillet... J'aurais sans doute était l'inverse d'un gentleman. Oh ! Certes je savais me montrer poli et sympathique, mais c'était une capacité qui me semblait incapable en présence de collègues de travail ou de personnes trop proches de moi comme Nathanaël ou Ethan, mon assistant qui pratiquait le métier de Profiler. Mon frère reprit la parole, je sentis comme une pointe d'ironie dans ses paroles, surtout lorsqu'il déclara que nous étions les meilleurs amis du monde. Je ne le regardais pas directement ce moment là. Je savais qu'il comptait me demander quelque chose. Importante ou pas, cette chose. Mais je supposais que, malgré le ton faussement joyeux et enjoué qu'il prenait, ça devait être quelque chose de relativement important. Il allait se marier. Et voulait que je sois son témoin.

Se marier... Je savais qu'il était en couple depuis belle lurette mais... Se marier, sérieusement ? Je cillais. Quelle idée lui avait traversé l'esprit ? Je lui aurais bien fait un discours sur la stupidité de cette décision mais je me voyais mal de ce rôle de sermonneur. Alors je haussais vaguement les épaules. Félicitation Petit frère. Tout mes vœux de bonheurs, je suis fier de toi ! Je serais ton témoin avec plaisir ! Voilà ce que j'aurais dû dire. Ce que je voulais dire... Mais une simple indifférence passa dans mon regard quand je posais les yeux sur Nathanaël. Je m'enfonçais calmement dans mon fauteuil et rangeais ma cigarette dans la poche gauche de ma chemise. Si j'étais le témoin au mariage de mon frère, il faudrait que je lui organise un enterrement de vie de garçon. Je verrais le moment venu... Mais je comptais bien rendre cela inoubliable. J'espère qu'il comprendrait alors à quel point je tenais à lui. Comme un vrai frère... N'avait-il pas d'autres amis à qui demander cela ? Sans doute pas, car il fallait être fou pour proposer à son frère froid et irritant d'être témoin à son mariage. Mais je ne comptais pas lui gâcher sa joie. Je serais le témoin de choix. Cela n'avait aucun intérêt, certes, je le prenais comme une sorte de défis. Je ne connaissais pas son petit ami, Damon. Je savais juste que Nath' et lui sortaient ensemble depuis un moment déjà, donc le mariage était envisageable en effet ! J'aurais aimé le rencontrer plus tôt... Même si je n'aurais montré aucun enthousiasme à le faire. Je me rendis compte que je n'avais encore formulé aucune réponse. Je passais une main dans mes cheveux noirs, assez mal coiffés je dois dire. Nathanaël avait le chic de me prendre au dépourvu. Il ne passait jamais – ou très rarement – de coups de file pour prévenir de son arrivée. Il débarquait toujours à l'improviste. Il pouvait au moins ce vanter de cela. Je souris en coin et cachait malhabilement cela avec ma main.

Les yeux de mon frère rencontrèrent les miens. Je su que les nouvelles ne s'arrêtaient pas là. Sans chercher à l'analyser d'une manière ou d'une autre. Je le savais d'instinct, c'est tout. Comment expliquer que deux et deux font quatre ? Ce serait bien embarrassant à le dire : c'était comme ça et c'est tout. J'avais une sorte d'intuition lorsque j'observais les gens. Mon analyse se faisait machinalement, je n'aurais su l'expliquer en détail. Il fallait que je réfléchisse à mes mots lorsqu'on me demandait comment je savais telle ou telle chose. Après tout, comment expliquer l'évidence ? Passons. Je savais que Nathanaël s'apprêtait à aborder un sujet qu'il ne fallait pas aborder. Avec moi, il y avait grand nombre de chose à ne pas aborder. Que Nathanaël me raconte ses petites affaires ne me dérangeait pas le moins du monde. En échange, j'étais entraîné dans le récit de mes fabuleuses et fascinantes enquêtes. Je faisais confiance à mon frère pour lui parler ainsi d'affaires criminelles. C'était bien la seule personne... Avec Ethan. Mais Ethan ce n'était ps pareil. Je le considérais comme un ami et il était sur le terrain avec moi. Mais je pouvais compter sur lui en toutes circonstances, et ça, c'était ce dont j'avais besoin sur le lieu de travail. La question que me posa Nathanaël alla au-delà de ce à quoi je m'attendais. Bien au-delà. Et il entrait, effectivement, dans le cadre de sujet que je n'aimais pas aborder. Ce genre de question m’horripilait : « Et que ferais-tu si...» Je ne savais jamais quoi répondre. Comment prévoir mes propres réactions ? Je le pouvais, très certainement. Mais après tout, chaque décision engendre une autre décision qui, finalement, créait une situation particulière. Je n'aimais pas parler en « si », je préférais le concret. Et le « si » admettait des hypothèses. Et les hypothèses étaient agaçantes, car les choses auraient pu se passer autrement si... Etc... C'est un cercle vicieux, infini. Mieux valait ne pas y rentrer. Mais il n'y avait pas que la tournure de la question qui me déstabilisait. C'était aussi... Ce que Nath' voulait me dire par-là. Y avait-il un double sens ? Je l'ignorais et, franchement, je ne souhaitais guère le savoir. Je déglutis, paraissant calme. Ca ne voulait pas dire que Nathanaël avait quelque chose à cacher ? Ce genre de question n'était pas anodine et même très révélatrice. Si c'était le cas, mon frère n'allait pas par quatre chemin pour commencer des sujets de discussion. Mais j'osais espérer que ce n'était pas le cas... Ca ne pouvait être le cas ! Impossible... Je l'aurais vu. J'aurais deviné et compris. Je ne serais pas passé à côté d'une telle énormité. C'était mon frère, j'étais un génie et j'avais confiance. L'évidence même... Bagatelles ! Je feignis donc l'étonnement. Après tout c'était le cas : j'étais étonné.

« Tueur en série, rien que ça ? Tu en as de drôles de questions ! Et, franchement, je te trouve bien prétentieux pour émettre cet hypothèse … Mais passons. Si tu étais tueur en série, je suppose que... Oh mais quelle question idiote ! »

Un brin de mauvaise humeur. Après tout, ce n'était pas le genre de question auxquelles je souhaitais répondre. J'aimais mon frère. Je ne voulais pas qu'il soit tueur en série. Je l'aurais deviné, de toutes façons. Le souffle s'étrangla dans ma gorge et je passais un doigt sur mes lèvres, cachant mon malaise avec assez de facilité, je dois dire. J'étais persuadé que Nathanaël ne pouvait pas être tueur en série. Ce n'était pas une intuition c'était... C'était obligatoire. Ca ne pouvait être autrement, n'est-ce pas ? N'est-ce pas ?! Mais... Cette désagréable impression que je refusais simplement de voir la vérité en face ne me quittait pas. Mais quelle vérité ? Je fixais Nath' sans le fixer vraiment, les yeux dans le vague. Mes pensés fusaient dans mon esprit. Pourquoi, au nom du Ciel, m'avait-il posé cette question ? C'était-il senti obligé ? Voulait-il que je lui prouve mon amour en disant une phrase stupide comme « tu es mon frère, si tu étais tueur en série, je ne pourrais pas t'arrêter... » ? C'est sans doute ce que j'aurais du dire. Ca aurait été plus simple, il aurait été content et je lui aurais raconté l'une de mes fabuleuses enquêtes. Je savais que, malgré tout, Nath' aimait m'écouter parler. Que j'étais... Une sorte de Dieu ou de héros, non ? Ou peut-être... Que c'était simplement ma vision des choses. Que j'étais orgueilleux et bien plus narcissique que je le pensais. Nathanaël devait me trouver insupportable mais m'aimer assez pour me supporter. Juste ce qu'il faut. Mais pourquoi se sentait-il obligé de venir me voir quand même ? Nous n'étions pas si proche que ça, après tout... Je tenais tout de même à savoir pourquoi Nathanaël c'était soudain senti obligé de me poser cette question, soudainement, sans aucune raisons apparentes... Sans aucune raisons, n'est-ce pas ?

« Mais dis moi plutôt pourquoi, soudainement, l'envie de savoir ce petit détail est devenu assez important pour que tu me poses la question ? »

Je le regardais, un sourcil levé vers le haut, enfoncé dans mon fauteuil. C'était peut-être la première fois qu'il me prenait autant au dépourvus. J'en étais d'ailleurs un peu vexé... Mais bon, ce n'était pas le plus important. Et puis, peut-être que, au fond, je ne souhaitais pas savoir pourquoi ? Et si... Si il était vraiment un tueur en série ? Mon rythme cardiaque s'emballa de nouveau. Je me levais un peu brusquement et m'avançais vers la fenêtre. Nathanaël avait ouvert les rideaux tout à l'heure. J'observais donc évasivement la rue qui s'étendait devant moi. Mon appartement était au deuxième étage : ni trop haut, ni trop bas. Ainsi je pouvais jouir d'une vue sur les appartements de la rue d'en face ainsi que de la route où, à cette heure, les voitures passaient à toute vitesse. Je baissais les yeux sur les passants pressés. La rue était relativement fréquenté, après tout c'était le week-end. Je n'aimais pas beaucoup sortir de mon appartement. C'était un ennui plus que mortel. Et puis, même si je ne vivais que pour mon travail, j'étais plutôt paresseux. Passons. Je voulais savoir... Mais en même temps je ne le voulais pas. C'était plutôt contradictoire, certes ! Mais j'avais le sentiment que... Cette vérité n'était pas bonne à étendre. Tous les muscles de mon corps étaient tendus. Je devrais peut-être changé de sujet pendant qu'il était temps, avant qu'il ne me réponde ? J'avais presque oublié qu'il allait se marier. Bon sujet pour un retournement de situation. Ainsi il parlerait de lui, il serait content. Et il penserait peut-être que je m'intéressais ! Je m'intéressais... Un peu.... Sans doute... Mais pas assez à son goût, j'en étais sûr. Ainsi je me retournais vers lui et dis un peu brusquement :

« Enfin passons, cela n'a pas d'importance, ne réponds pas. Ca ne m'intéresse pas. Tu es stupide avec tes idées. ~ Enfin comme d'habitude. Mais parlons de choses... légèrement plus importantes : ton mariage, par exemple. Je pensais bien que tu ne tarderais pas à le demander en mariage, car c'est bien toi, n'est-ce pas ? Pas étonnant, tu veux te rassurer et le rassurer par la même occasion puisqu'il est de nature jalouse.»

Le pire c'est que je n'avais jamais vu en personne ledit Damon. Passons. Je ne le connaissais pas et ne pouvais pas le juger. C'était rare – ou peut-être pas de notre temps, au final... - que deux gays se marient. Enfin... Non ce n'était pas rare. Mais je ne pensais pas, jusque là, que Nathanaël accepterait un jour de se marier et donc de rester enchaîner à quelqu'un d'autre par une alliance. Mais il était très amoureux de Damon, ça je le savais et en étais sûr. Je pensais bien que Nathanaël avait besoin d'amour. Moi je ne pouvais pas lui en donner, je n'en avais plus au fond de mon petit cœur. Enfin si.. J'en avais. Je n'avais simplement pas le courage de le dire à voix haute ou de laisser éclater mes sentiments. Je n'avais que trop faut semblant dans ma jeunesse. J'avais la nausée rien qu'en y pensant. J'attrapais ma cigarette, la mis dans ma bouche et me dirigeais vers la cuisine pour l'allumer. Je revins dans la pièce dite principale et ouvris la fenêtre pour ne pas enfumer mon frère. Je restais là, cheveux au vent frais de novembre. J'aimais bien l'hiver, le froid, la neige, la pluie... Les saisons chaudes m'exaspéraient. On étouffe alors, prisonnier de nos maisons, dans les rues, dans les transports, … Je regardais Nath' du coin de l'oeil et poussais un soupire inaudible.

« Écoutes... Si tu veux me parler de quelque chose d'important, fais-le. J'écouterai. Et ne te soucies pas de mes réaction, j'essayerai d'être digne de... ton frère. »

Je me tournais entièrement dans sa direction après avoir écrasé ma cigarette sur le rebord de ma fenêtre.
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