•TA PLUS GRANDE QUALITÉ :
•TON PLUS GROS DÉFAUT :
•UN TIC, UNE MANIE :
je suis amusant, souriant, joyeux, sûr de lui, sérieux (quand il faut), discipliné et obéissant (seulement avec son mentor), gentil, drôle mais aussi farouche, distant, beau-parleur, menteur, légèrement colérique, impoli, moqueur, prétentieux, impulsif, turbulent, désobéissant, curieux.

Il y a neuf ans, je me suis réveillé dans un lit, dans une petite chambre immaculée. Deux personnes étaient présentes : Dédale, notre père a tous et Cassandre, sa première favorite, mais tout cela, je ne devais l’apprendre que plus tard. A mon réveil, je fus pris d’une panique incontrôlable : Je ne me souvenais plus de rien.
Que devons-nous faire lorsqu’une telle chose nous arrive ? Lorsque nous oublions notre âge, notre prénom, notre vie entière ? Lorsque nous ne savons plus marcher, ni parler, ni manger ? Lorsque nous devenons totalement dépendants de ces deux personnes à notre chevet ? … Je n’ai pas encore de réponse. Mais une grande part de moi ne peut que les aimer pour la bienveillance dont ils ont fait preuve à mon égard. Ai-je d’autres options ? Pas vraiment… Comment pourrais-je avoir envie de les quitter ? Ils sont … Ma famille. Pourtant…  J’ai toujours été sceptique, comme si ma place n’était pas auprès d’eux. Si seulement je pouvais retrouver mes souvenirs, tout serait différent… Mais là n’est pas la question du jour.

Après m’avoir tranquillisé, Dédale s’est approché de moi. Il a pris ma main dans la sienne et un regard plein d’amour et de douceur, celui qu’il réservait aux nouveaux arrivants ou à ses enfants biologiques, se posa sur moi. Il m’a souri et d’une voix calme et chaleureuse, il a annoncé :

« Bonjour, mon garçon. Tu ne dois pas avoir peur, nous ne te voulons pas de mal, nous sommes ici pour veiller sur toi. Tu ne te souviens de rien, c’est normal. Tu viens de naître pour la seconde fois, parmi nous, entouré d’amour et de bonheur. Je te donne le prénom d’Ycare, aujourd’hui, le 5 Août, sera ta date d’anniversaire, tu as 14 ans. Rends-moi fier de toi, Ycare, sois un fils digne de moi et de notre famille et tu auras ta place ici. Nous t’aimerons plus que personne ne l’a jamais fait. Paix et amour. »

Il m’embrassa sur le front et fit un geste de la main, notre signe de reconnaissance en quelque sorte, les deux mains sur le cœur suivi des deux mains vers l’interlocuteur, pour lui envoyer notre amour. Il est sorti de la pièce… Et je l’avoue aujourd’hui, je n’ai rien compris à ce qu’il me dit ce jour-là, Cassandre me le réexpliqua plus tard. Cassandre, la première femme de Dédale, j’appris plus tard qu’il en avait six et aucune d’entre elles n’avait subi la « deuxième naissance », elles aimaient Dédale plus que quiconque et devenir une épouse avait été un honneur. J’aimais ces femmes comme des mères, jamais je ne songeais à remettre en question cette fascination pour un homme comme les autres, pourtant, je posais la question à Cassandre lorsque je fus en mesure de parler. Voici sa réponse :

« Dédale n’est pas un homme comme les autres, il est le père, le mari, le protecteur. Il nous a choisis, parce que nous étions purs et bienveillants pour vivre à l’écart d’un monde ignoble. Il a créé ce foyer d’amour pour nous et nous lui en sommes reconnaissants. Dédale nous aime plus que quiconque, souviens-toi de ça, Ycare. Ton devoir, c’est de l’aimer et de lui obéir en retour. »

Dédale est à la fois notre père et notre Dieu. Nous l’aimons parce qu’il prend soin de nous alors que personne d’autre ne le fait … Et pourtant… Ne pouvant plus me rappeler de mon ancienne vie, comment aurais-je pu croire ces paroles sans les remettre en question ? Si j’étais malheureux auparavant, pourquoi avais-je oublié tout cela ? N’aurais-je pas aimé Dédale de la même façon si j’avais gardé les souvenirs d’une vie misérable ? Je ne pouvais m’empêcher de penser que j’étais aimé aussi, avant… Que j’avais une famille. Je finis par en parler à Dédale. Sa réaction me surprit. Je crus voir de la colère dans ses yeux. Là aussi, j’appris plus tard qu’il ne fallait jamais parler de sa vie antérieure et qu’il ne fallait surtout jamais énerver Dédale. Mais j’étais jeune et je venais juste de renaître, il me pardonna et son sourire bienveillant refit surface.

« Tu es le premier à me poser cette question, Ycare. Je pense que tu es le plus intelligent (ce n’était pas un compliment dans sa bouche, cela signifiait que j’étais potentiellement le plus dangereux. Il n’a jamais compris que je l’aimais malgré toutes  mes questions). Sache que les jeunes garçons qui subissent la deuxième naissance le font pour leur bien et sont volontaires. Tu es venu ici, tu étais désespéré, tu voulais retrouver le bonheur. Mais tu n’as pas les mêmes facultés que les femmes, elles n’ont pas besoin de deuxième naissance pour être heureuse, elles parviennent à laisser leur passé derrière elles. Un homme préfère oublier pour être pleinement heureux. Tu m’as demandé de t’aider et c’est ce que j’ai fait, mais crois-moi, tu n’as aucune famille qui t’attend là dehors. Tu n’as que nous… Bien sûr, si tu as envie d’aller vérifier, libre à toi … Mais la deuxième naissance ne s’effectue qu’une fois et si tu pollues ton esprit pur, tu ne pourras plus revenir. »

Je l’ai  cru. Je le croyais toujours, c’était mon père. Pourquoi m’aurait-il menti alors qu’il me proposait de me laisser partir ? Je suis donc resté avec eux. Avec ma famille. Lorsque je fus capable de me déplacer et de manger tout seul, Cassandre m’autorisa à sortir une heure par jour. Je pouvais me promener dans le manoir et le jardin librement.

Ils vivent dans une immense demeure, aujourd’hui, je crois pouvoir dire que Dédale est ou a été un noble riche et puissant. Le manoir comportait vingt chambres magnifiques, consacrées aux femmes et aux meilleurs fils de Dédale (je n’en ai jamais fait partie), les plus obéissants. Les autres fils, un peu inférieurs, logent dans les chambres des domestiques. Nous sommes deux par chambre, le confort y est rudimentaire mais cela ne m’a jamais gêné. Le jardin est délimité par une muraille, assez haute pour nous empêcher de sauter par-dessus, assez basse pour nous faire croire que nous étions libres de pouvoir partir.

Ils sont une trentaine de membres dans cette famille. Les six femmes de Dédale, Cassandre et Eurydice, les deux plus importantes à mes yeux. Cassandre, parce qu’elle est la plus âgée et parce qu’elle s’est occupée de moi avec bienveillance, comme une mère. Eurydice, parce qu’elle est la plus jeune et que nous nous sommes aimés. Chacune d’elle a au moins un enfant de Dédale. Eurydice en a peut-être un de moi. En tout, à mon départ, il y avait treize marmots. Les autres, ce sont les fils de Dédale, comme moi, des adolescents de la deuxième naissance, Pan et Persée sont ceux dont je parlerais le plus, nous étions proches en âge, nous étions amis. Je pense que Dédale les aime autant que ses propres enfants…

Pour ma part, je ne crois pas qu’il m’ait aimé de la même façon. J’étais différent. Il le savait, sinon, il ne m’aurait pas appelé Ycare, la faute étant volontaire pour une raison que j’ignore toujours. Je pense, qu’à la base, elle n’était pas voulue … Cependant, elle ne pouvait que me faire comprendre que je ne faisais pas réellement partie de leur famille parfaite. Icare était un jeune homme téméraire, désobéissant à son père, brûlant ainsi ses ailes… Je ne crois pas que ce nom fut choisi au hasard. Pour Dédale, il était sans doute un avertissement, « ne me désobéis pas, sinon, tu sais ce qui t’attend. » pour moi, il était tout autre « Rêve plus loin, rêve plus haut. N’aie pas peur d’y perdre la vie. »
Il n’y a pas de hiérarchie dans ce monde. Dédale est notre père, mais nous sommes tous égaux. Les hommes doivent se respecter entre eux et respecter les femmes, les femmes n’ont aucune obligation envers les hommes. Les tâches ménagères sont séparées mais les femmes passent plus de temps avec les enfants. Il n’y a que deux règles absolues :
La première : Être heureux et paisible, s’épanouir dans le travail et la réalisation de soi et ne jamais priver un membre de la famille de sa liberté et de ses droits.
La deuxième : Dédale possède la sagesse et la force que nous n’avons pas, nous devons le respecter et lui obéir.

J’ai toujours beaucoup plus de mal avec celle-là. Je me souviens, de la première fois que je l’ai enfreinte. Je voulais voir la ville d’une autre façon qu’accompagné de Dédale pour jouer les pickpockets. J’avais seize ans, j’ai escaladé la muraille et j’ai visité Paris. Je me suis senti libre. D’ailleurs, c’est aussi ce jour-là que j’ai vu mon premier vrai spectacle de magie (avant de décrire ce passage, je dois expliquer que la magie faisait partie intégrante de ma vie : je ne savais pas pourquoi à cette époque mais je pratiquais des tours plusieurs heures par jour depuis mon réveil. De plus, pour améliorer ma dextérité et remplir les poches de notre famille, je passais aussi beaucoup de temps à jouer les pickpockets). Bref, ce spectacle m’enchanta et je sus tout de suite que je voulais être un magicien aussi talentueux. Bien sûr, l’homme que j’avais vu sur scène n’était autre que Richard Spears. L’un des plus grands illusionnistes de Paris !
Je rentrai donc chez moi les yeux plein d’étoiles et avec l’envie de m’exercer toute la nuit ! C’était sans compter la colère de Dédale à mon arrivée. Je crois que je le savais au fond, qu’il n’était pas un homme bon. Je l’ai toujours su… Cela ne m’empêche pas de l’aimer. Il me battit pendant … Au moins une heure. Je ne l’avais jamais vu aussi énervé. Quelques fois, il nous punissait de plusieurs coups de bâtons lorsque nous ne faisions pas correctement nos tâches. Ce jour-là, il était fou de rage. Lorsqu’il fut enfin calmé. J’étais recroquevillé contre un mur, couvert de sang et d’hématomes… Il s’accroupit en face de moi et me dit :

« Ne refais plus jamais ça, Ycare. Notre famille fonctionne parce que tout le monde respecte les règles. Si tu désobéis, tu mets en péril notre équilibre. Il me fallait te punir pour que tu le comprennes. Est-il si difficile de me demander la permission avant de sortir ?
Je secouai la tête.
- Alors fais-le la prochaine fois. Je ne supporte pas les jeunes garçons désobéissants, tu comprends ?
Je hochai la tête.
- Bien. Tu es mon fils, Ycare et je t’aime autant que les autres, je ne supporte pas de te faire du mal, alors ne me force pas à recommencer. Tu vas être un brave garçon et tu vas accomplir la mission que je t’ai confié, pour le bien de notre famille. Si tu réussis, Ycare, je t’offrirai tout ce que tu désires. Toujours partant ?
Je hochai la tête.
- Parfait. Va voir Cassandre, elle s’occupera de tes blessures. Pas un mot sur ton escapade. Paix et amour, mon fils. »

Autant vous dire que je fis attention lors de mes escapades suivantes. La nuit, une fois par mois ou moins, et seule Eurydice le savait. En cachette, j’allais voir tous les spectacles de mon héros, je m’entraînais dur pour arriver à lui plaire sans savoir que c’était là le but de ma mission.

Plus le temps passait et plus, je me sentais rejeté par cette famille que j’aimais. C’est un sentiment difficile à décrire… J’étais comme le mouton noir. Ma relation avec Eurydice commençait à se savoir, peut-être que mes sorties nocturnes aussi... Je suis turbulent, impulsif, casse-cou, curieux et impatient. Et j’étais entouré de gens sages, intelligents, compréhensifs, patients, gentils… Mon rêve était de quitter cette cage dorée sans jamais oser le faire. Leur rêve était de rester pour toujours auprès de Dédale. Je passais ma vie à désobéir. Ils ne pensaient qu’à se soumettre pour le bien-être commun. Je n’étais pas à ma place. Pourtant, sans ma mission, je ne serais pas parti…

Le jour vint enfin où l’on m’autorisa à rejoindre mon idole. Ma mission était simple : Devenir son assistant et lui voler ses secrets pour les revendre chers. Ce comportement ne me plaisait pas, mais c’était pour le bien de notre famille et Dédale avait promis qu’après ça, je ne me sentirais plus à l’écart, que j’aurais prouvé mon amour. C’était tout ce que je voulais…
Alors, je me rendis jusqu’à chez lui et je frappai à la porte … :

« Bonjour ! Vous cherchez un assistant, n’est-ce pas ? Eh bien, je suis celui qu’il vous faut, mon vieux ! »