The Mysteries of Paris
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 Silence and darkness... [Pv : Sachou <3]

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MessageSujet: Silence and darkness... [Pv : Sachou <3]   Silence and darkness... [Pv : Sachou <3] Icon_minitimeSam 22 Juin - 1:18

Les blessures qui ne se voient pas nous font du mal bien plus que toutes les autres, on les enferme au fond de soit et est-ce que toute une vie on les supporte ?


Mon menton s'affaissa doucement sur ma poitrine alors que je m'assoupissais dans le transport en commun. Ce qu'il y avait de pratique, lorsque vous étiez sourd, c'était cette tranquillité constante qui vous accompagnez où que vous alliez. Par exemple, dans les bus ou dans les trains, je n'entendais pas la moindre conversation, pas la moindre. Les cris d'un bébé ne pouvaient pas me déranger puisque je ne les entendais pas et les disputes avoisinantes ne me causaient guère d'ennuis. Pourtant, qu'est-ce que j'aurais aimé entendre tout ces sons qui pouvaient paraître agaçant pour la plupart des gens. Ce délire me brûlait parfois si fort... Malheureusement je ne saurais jamais ce qu'était le bruit de la pluie sur les trottoirs, ni le lourd tambour de l'orage... Même pas le simple bruit des vagues sur une plage... Ce fut avec ces amères pensées que je m'endormis. Mes lourdes paupières se fermèrent et je pensais à ma sœur. Ma Lilas. Dans mes souvenirs embrumés, elle était toujours souriante. Ses cheveux avaient mes teintes brunes – celles de notre père – et les mêmes yeux bruns que lui. Moi, j'avais les yeux gris de ma mère, morte à la naissance de Lilas. Avec Lilas, nous n'avions que quatre ans d'écart. On pourrait dire que notre père nous a élevé tout seul puisqu'il ne s'est jamais remarié malgré quelques femmes qui passaient de temps en temps à la maison. Malgré son jeune âge, ma sœur m'a toujours défendu auprès des railleurs et des moqueurs. Quoi de plus cruel qu'un enfant envers quelqu'un de différent ? J'avais cette différence et personne ne m'aimait beaucoup dans le quartier. On m'appelait le Sourdingue. Ils se moquaient de moi ouvertement puisque je ne pouvais pas les entendre. Ah ! La belle époque. Elle ne me manquait absolument pas. En fait, maintenant, je passais d'un extrême à l'autre. Lorsque quelqu'un me demandait quelque chose, dans la rue – son chemin, par exemple – je lui signifiais par geste que j'étais sourd-muet et il se confondait en excuses interminables. Mais d'autres fois, je me faisais frapper. Les risques du métier, hein ? Mon souffle se fit soudain plus régulier et je quittais le train qui me ballottait de gauche à droite. En un éclair, je fus ailleurs, dans un autre monde. Le monde des rêves, celui de mon inconscient et de mon imaginaire. De mes craintes, de mes envies, de mes fantasmes.... Un monde où tout était probable. Même celui de parler et d'entendre. Ca m'était arrivé de rêver de parler. Lorsque je m'étais éveillé, j'avais pleuré toutes les larmes de mon corps. Car je savais que ce dont de la nature me serait refusé jusqu'à ma mort. Et pourquoi ? Je l'ignorais. Pourquoi moi et pas quelqu'un d'autre, après tout, hein ? Mais la colère se dissipait aussitôt qu'elle commençait à naître dans mon cœur : c'était comme ça. Non, je ne veux pas que ce soit comme ça ! hurlait le petit garçon resté au fond de mon cœur.

Lucas descendit du bus. La rue était pleine de monde, comme toujours, mais il ne pouvait pas entendre les bruits du train-train quotidien. Ni les passants qui râlaient, ni les voitures qui circulaient... Rien. Le silence l'accompagnait comme une ombre depuis sa naissance. Il était seul au monde dans sa coquille. Le monde l'intéressait plus qu'à une époque, bien sûr... Oui, bien sûr. Il faisait des efforts pour se mêler aux autres. Il y arrivait brillamment, surtout qu'il savait écrire, ce qui était relativement rare pour un sourd-muet. Mais ce n'était pas pareil. Jusqu'à sa mort, il serait en marge de la société. Un observateur discret, distant, à des kilomètres de la vraie vie. Lucas continua sa route dans la rue. Il ne savait pas exactement où il était descendu. En fait, ses souvenirs étaient flous. Le décor changea soudain et il se retrouva en train de descendre une avenue familière. L'avenue de l'école, près du quartier de son enfance à Boston. Sans que cela ne l'étonne d'avantage, Lucas plongea les mains dans les poches de son jean et descendit cette rue, son sac à dos pendouillant sur son épaule droite. Alors qu'il arrivait près des grilles ouvertes où une flopée d'élèves sortaient de la cours de récréation pour aller dans les bras de leurs parents, le jeune homme crut apercevoir, dans la foule enfantine, une chevelure familière. D'un brusque mouvement, Lucas se précipita en avant et posa sa main sur l'épaule de la petite fille qui se retourna vers lui. Son visage n'était semblable à nul autre au monde. C'était Lilas. Son sourire rayonnait. Tous les autres disparurent soudain, happé dans les ténèbres d'un souvenir refoulé. Lucas tendit la main. Mais alors qu'il allait toucher celle de sa sœur, son cœur fit un bond dans sa poitrine.

Je me réveillais d'un bond, le cœur battant contre ma poitrine. Je clignais des yeux, l'esprit embrumé. Je relevais la tête et vit, en face de moi, une femme âgée accompagnée d'une petite fille de quatre ans aux longues couettes brunes. Je lui souris doucement et ses lèvres bougèrent. J'étais encore trop endormi pour penser à déchiffrer ce qu'elle disait. Ainsi donc, je ne lui répondis pas. Sa grand mère lui dit sans doute quelque chose car la petite retourna sagement s'asseoir auprès d'elle. Je souris à la vieille femme et lui indiquait, d'un geste habituel, que j'étais sourd-muet. Pour ce faire, je posais une main sur ma bouche et sur mes deux oreilles avant de secouer négativement la tête. La femme s'excusa – c'est ce que je lut sur ses lèvres – et elles changèrent de place, laissant les sièges libres en face de moi. Je poussais un profond soupire. J'aurais préféré avoir de la compagnie. Tant pis. De toute façon, je descendais à la prochaine gare. Au bout de plusieurs minutes, la rame du métro ralentit avant de s'arrêter tout à fait. Afin d'être sûr, je consultais le plan avec soin. C'était bel et bien là. Je descendis rapidement, empêtré dans la foule, et réussi à me dégager sur le quai. Je pris la sortie A et remontais à la surface, non mécontent. Je n'aimais pas particulièrement le métro, oppressant. Tout le monde y faisait une tête d'enterrement, d'ailleurs... Parfois je m'amusais à faire semblant de bailler afin de voir combien de personnes m’imiteraient par mimétisme. Chacun ses petites occupations ! Je poussais un profond soupir avant de commencer à marcher dans la rue, mon sac à dos pendouillant sur mon épaule droite. Il y avait un bon nécessaire à l'intérieur : un peu de nourriture, un sac de couchage, quelques vêtements de change, de l'argent, des cartes, … Je ne restais jamais très longtemps au même endroit à New York. J'allais de quartiers en quartiers. Mais j'avais toujours les mêmes embrouilles. Il s'avérait que pour vivre, je plumais les gens au poker. Souvent, c'étaient de mauvais perdant qui ne voyaient en moi qu'un sourd-muet sans défense. Et ils avaient raison. J'étais non-violent... Mais pour l'heure, je crois que j'allais rester dans le coin pendant un petit moment. J'étais tombé sur une annonce. J'avais vraiment besoin d'argent, d'un travail... Et j'avais donc appelé. J'avais à présent rendez-vous dans la maison de l'homme chez qui j'allais passer un entretient comme poste d'assistant. J'ignorais si je pourrais être bon là-dedans... Mais depuis très longtemps je désirais me sentir utile dans quelque chose et pour quelqu'un. Peut-être que cela m'aiderait-il aussi, d'un certain côté ?

Je plongeais la main dans la poche de ma veste et en sortis un petit bout de journal. Je n'avais pas beaucoup de renseignements sur cet homme, hormis le fait qu'il s'appelait Sacha Bradford, rendu aveugle à cause de la guerre. Ca allait être joyeux, tiens. Un aveugle... Assisté par un sourd-muet. Qu'il m'envoie balader ne m'aurait pas étonné une seconde, en fait... Qui voulait de moi, de toute façon ? J'avais déjà eu sept refus. J'aurais peut-être dû abandonner... Mais je voulais tenter une dernière chance avant de m'avouer vaincu. J'essayais un peu de me ranger, comme l'aurait souhaité mon père. C'est un peu tard, pour se ranger... Mais je devais essayer. Juste une dernière fois. Ensuite, ce serait finit. Je regardais une dernière fois ce petit article que j'avais arraché d'un journal trouvé dans une poubelle et montais la petite côté avant de regarder le numéro des appartements. J'espérais sincèrement qu'il accepte. Dans cette annonce, il était indiqué que Mr. Bradford recherchait un assistant de jour et de nuit. Pour tout avouer, cela faisait trois jours que je n'avais pas dormi dans un lit. J'avais perdu tout mon argent la semaine dernière après m'être fait frapper. J'avais du vendre mon appartement et partir. J'arrivais finalement à destination. Le numéro 24. Je poussais un soupir et rangeais l'article dans la poche de mon jean. L'heure était venue de faire cette rencontre avec Mr. Bradford. Je poussais la porte de l'immeuble – qui n'était pas pourvue de système automatique, dieu merci, je n'aurais pas pu annoncer ma visite – et entrais dans le hall. Un homme prenait son courrier dans sa boîte aux lettres. Ce n'était pas mon futur(ex)-employeur puisque 'il prenait des lettres du deuxième étage. Il me jeta un coup d’œil intrigué et je lui fit un sourire pli et sympathique avant de m'avancer vers le n°2. C'était là qu'habitait Mr. Bradford. Alors que je levais le bras pour frapper à la porte, je sentis une main s'abattre sur mon épaule. Je sursautais et fis brusquement volte face. L'homme qui prenait son courrier quelques secondes plus tôt était face à moi, un sourcil levé.

« Tu comptes entrer là-dedans ? Ah... Mais tu es peut-être le nouvel assistant de Bradford, hein ? »

Je hochais la tête et posais une main sur ma bouche puis sur mes oreille avant de secouer négativement la tête et de hausser les épaules. J'étais sourd-muet, c'était ce que ça voulait dire. L'homme haussa les sourcils avant de partir dans un immense éclat de rire. J'écarquillais les yeux, un peu dans le brouillard. Cela dit, il y avait de quoi rire s'il connaissait un peu Mr. Bradford.

« Excuse-moi mais je trouve ça très drôle, en fait ! Un sourd-muet qui va servir un aveugle c'est mission impossible. Surtout vu le caractère de merde de Bradford. »

A une vitesse surprenante, je sortis le petit carnet que je gardais toujours sur moi et notais à l'aide d'un stylo bille bleue : Vous connaissez Mr. Bradford ? Il lut ma note et secoua négativement la tête.

« Nan mon gars, et ce n'est pas dommage ! Tu ferais mieux de partir en courant. Je te souhaite bon courage. »

Il me tapota l'épaule avant de disparaître dans l'escalier à l'angle du couloir. Je passais une main dans mes cheveux bruns avant de ranger le carnet dans la poche arrière de mon jean avec le stylo. Bon... Tout ce qu'on venait de me dire ne me rassurais vraiment pas le moins du monde. Mais je devais entrer. Je frappais deux coups, attendit environ une demie-minute avant de pousser la porte qui était ouverte. Je glissais la tête à l'intérieur et m'avançais dans l'appartement. Le lieu était extrêmement sombre puisque la lumière n'était pas allumée. Les volets étaient sans doute fermés et les rideaux tirés. En plus, ça sentait l'alcool et la cigarette, comme dans certains coin dans lesquels je traînais pour gagner de l'argent au Poker. Je m'avançais encore d'un pas. Je regrettais de ne pas pouvoir l'appeler car l'appartement semblait vide.... Encore un pas.... Brusquement, un homme surgit de derrière un fauteuil. Par réflexe, je fis un pas en arrière. Je m’aperçut qu'il portait un flingue. C'était bien ma veine... ! Je levais les mains en signe de paix et je crus que mon cœur allait s'arrêter. Tout près de ma joue, à quelques millimètres à peine, je sentis le vent de la balle m'effleurer la peau. Je restais figé. L'homme baissa son arme. J'écarquillais les yeux. C'était la première fois qu'on me tirait dessus. Mes jambes se dérobèrent sous mon poids et ma tête alla heurter le parquet. Je fus happé dans un tourbillon de ténèbres accompagnées de couleurs dorées.

Lucas ! Lucas... J'entendais. Ah ah ah ! C'est moi ! Je parlais ! J'éclatais de rire. Ma voix tintais joyeusement à mes oreilles. Un liquide dégoulinait sur mon visage. Pas des larmes, autre chose...

Mes yeux papillonnèrent. J'étais toujours allongé sur le sol et j'eus l'impression qu'un troupeau d'éléphants en colère venaient de piétiner mon crâne un par un, pattes après pattes. Je posais une main sur une petite bosse qui commençait à se former et me redressais sur les coudes, cherchant l'homme armé des yeux. Il était assit en face de moi. Et je compris que c'était sans doute Mr. Bradford. Ses yeux étaient vitreux, c'était bel et bien un aveugle. Comment allais-je pouvoir lui parler sans ouvrir la bouche ? Je m'assis en tailleur et essuyais mon visage complètement humide. Je savais maintenant ce qu'était cet étrange liquide. Je fis un peu de bruit en bougeant pour qu'il comprenne que j'étais réveillé. Je m'apprêtais donc à me faire virer, à présent...
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MessageSujet: Re: Silence and darkness... [Pv : Sachou <3]   Silence and darkness... [Pv : Sachou <3] Icon_minitimeDim 23 Juin - 17:49

Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres ; Adieu, vive clarté de nos étés trop courts !


Assis contre le mur juste à côté de la porte d’entrée, j’écoutai avec attention. Ils étaient trois. Une femme, deux hommes. La femme était âgée, la gardienne de l’immeuble sans doute, son appartement était en face du mien, il me semblait. Je pouvais percevoir les coups légers qu’elle donnait avec sa canne sur le sol de temps à autres. L’un des hommes habitait à l’étage au-dessus, il ne cessait de tripoter des pièces de monnaie dans son manteau, habitude caractéristique que je lui avais découvert lorsqu’il montait les escaliers. L’autre ne m’était pas inconnu. Ce bégaiement à peine audible lorsqu’il prononçait les b et les p, mon médecin. Je repliai un genou vers moi, Poe changea de position et posa sa tête sur mon autre jambe. Je faisais tourner le barillet de mon revolver. Je pouvais entendre leur conversation comme s’ils discutaient à quelques centimètres de moi… Pourtant, les murs étaient assez épais, c’était la porte qui laissait filtrer les sons. Le plus étonnant était sans doute qu’à part mon médecin… Et encore, je ne connaissais pas les noms de ces gens. Quel intérêt ? Mon barillet fit un tour vers la gauche.

« Non mais vous êtes certain qu’il n’est pas dangereux ? Demanda la vieille femme. Tous ces coups de feu … Sans parler de mes murs, mon mobilier !
-Non madame, il n’a jamais fait de mal à personne. Et l’Etat paiera les réparations, ne vous en faites pas madame. »

Ah ah ! Erreur doc ! Dans une autre vie, je faisais du mal à beaucoup de gens, verbalement et physiquement.  Et j’avais aussi agressé l’un de mes assistants –mais j’avais été innocenté, médicalement parlant il était en tort et il avait eu de la chance de ne pas être mort-. Je pouvais être dangereux … Mais il valait sans doute mieux qu’il dise cela. Je ne voulais pas quitter l’appartement… Ou plutôt, je ne le pouvais pas. Mon barillet tourna vers la droite.

« Evidemment qu’il ne peut pas faire du mal aux gens, il est même pas foutu d’aller chercher son courrier dans sa boîte aux lettres ! Il devrait être enfermé dans un asile ce malade psychotique ! Ajouta l’homme qui vivait à l’étage. L’envie de l’étrangler dans son sommeil me traversa l’esprit. Mais pour cela, il aurait fallu passer la porte.
-Ne vous en faites pas monsieur, madame, il souffre d’agoraphobie et de stress post-traumatique, le moindre bruit le renvoit deux ans en arrière pour lui faire revivre ce qu’il a vécu en Afghanistan. Ce sont deux maladies communes qui ne sont dangereuses que pour le malade. »

Deuxième erreur ! Quel mauvais docteur … Ou quel excellent baratineur. J’avais connu beaucoup de soldats, quelques-uns étaient rentrés au pays en un seul morceau et seulement deux ou trois ne souffraient pas de stress post-traumatique. Pour ceux qui, comme moi, revivaient la guerre sans pouvoir l’arrêter, parfois la situation dérapait. L’un de mes amis avait tué sa femme devant leur petit garçon, il criait à son fils de fuir maintenant que l’ennemie était mort, au lieu de ça, il s’agenouilla près de sa mère et se mit à pleurer. Mon ami revint à lui et appela une ambulance. Le chagrin le tua dans sa chambre à l’hôpital psychiatrique deux mois plus tard. Un petit excès de folie. Et il n’était pas un cas isolé. Moi, je savais me contrôler… Mais c’était aussi parce que dans les souvenirs que je revivais, je ne tuais personne, sinon, certains de mes assistants seraient sans doute morts. Mon médecin savait tout cela…  Je mis une balle dans le barillet.

« Pff ! C’est pour ça que c’est l’Etat qui lui paye son appart ? Parce qu’il a vaillamment combattu ?! Moi aussi, je me bats tous les jours à mon boulot pendant qu’il se roule les pouces dans son canapé et qu’il tire dans les murs ! Ce mec vaut pas la peine qu’on s’occupe de lui ! L’étranglement était bien trop soft. Un écartèlement était plus à mon goût pour lui.
-Monsieur, calmez-vous, il ne vous a rien fait, il n’est vraiment pas méchant tant qu’on ne vient pas l’embêter, il reste dans son coin. Se confondit mon pauvre médecin.
-Il fait peur aux femmes que je ramène ! Je laissai échapper un ricanement. Les femmes qu’il ramenait, ça faisait au moins deux par an ! Il poursuivit. Il empêche tout le monde de dormir convenablement ! Si jamais vous ne lui dites pas de se calmer, moi je vais aller lui dire ma façon de penser ! … Mais qu’il vienne, je n’attendais que cela.
-Moi je n’entends rien, je me fais juste du souci pour mes meubles… Et ses deux adorables chiens, si jamais il les tuait ? Devais-je m’estimer heureux d’avoir une gardienne sourde comme un pot et aussi compréhensive ? Je supposais qu’elle avait un fils qui avait combattu dans l’armée… Ou son époux décédé.
-Ne vous en faites pas madame, il fait très attention à ses chiens et il n’a abimé que très peu de meubles, il ne casse que ce qui lui appartient. Et monsieur… Je crois qu’il serait ravi de discuter avec vous. Si vous voulez bien m’excuser, je suis en retard. »

Quel excellent médecin ! Il me surprenait parfois. Je refermai le barillet avec les six balles dedans et le coinçai dans mon dos. Je savais exactement à quel moment il allait poser sa main sur la poignée de la porte… Il entra.

« … Sacha ? Vous êtes là ?
-Je suis là.
Il sursauta. Je me levai. Il alluma la lumière, du moins, je perçus le bruit de l’interrupteur et le grésillement de l’ampoule. Il sentait le tabac… Un parfum féminin qui n’était pas celui de son épouse et le café. Il caressa la tête de Samy… Enfin, je le supposais. Je tendis la main, il la prit, l’inverse étant toujours plus difficile à effectuer.
-Vous avez perdu du poids. Et vous devriez ouvrir les fenêtres ! C’est mauvais de rester enfermé dans le noi…
-… Ouais, ne vous fatiguez pas. Je les ouvrirai tout à l’heure, si vous y tenez. Pourquoi êtes-vous venu ?
-Je viens vérifier que vous êtes toujours en vie. D’ailleurs, votre voisin veut venir vous…
-Oui me casser la gueule, je sais, qu’il vienne.
-Vous allez avoir un nouvel assistant. C’est l’agence qui me l’a dit…. Essayez de ne pas l’effrayer trop vite.
-Non … Vous me connaissez !
-Justement, Sacha… »

Il pouvait directement dire que j’étais un monstre. Il rangea les médicaments qu’il me prescrivait depuis deux ans et revint discuter. Nous parlâmes pendant une quinzaine de minutes puis il sortit. Il me rappela que je ne devais pas être méchant avec le nouvel assistant … Ce n’était tout de même pas de ma faute si tous les assistants étaient des lâches stupides ! Il fallait voir les boulets que j’avais dû supporter ! Aucun n’avait amélioré mon envie de sortir, ma dépression, ma haine du monde ou même mon mal-être. Ils étaient tous nuls et je leur avais bien rendu. Il ferma la porte. Je me retrouvais, une fois de plus, plongé dans ma solitude. Solitude que j’avais choisie… Que je préférais à n’importe quelle compagnie… Cela dit, j’aurais adoré pouvoir discuter avec quelqu’un qui ne m’aurait pas pris pour un dingue. Je me servis un verre de whisky et le bus d’une traite. J’étais content au fond. Peut-être que celui-là n’allait pas être aussi empoté que les autres… Je demandai à mon ordinateur portable l’heure qu’il était. 23h01. J’attendais toujours le dernier moment mais il fallait bien que je le prenne. J’allai jusque dans la cuisine, j’ouvris le tiroir à médicaments et touchai chaque flacon. J’avais été dans l’obligation d’apprendre le braille depuis mon accident et même si cela m’ennuyait au plus haut point, j’étais obligé d’admettre que ça me facilitait la vie. Je sortis un somnifère. Je faillis faire tomber un verre en essayant de le prendre. Je poussai un juron et remplis mon verre d’eau pour prendre mon cachet. Je retournai m’allonger sur le canapé et tirai la couverture sur moi. Je fis monter Poe et le collai contre mon ventre, Samy dormait par terre. Contrairement à Poe, Samy était un golden retriever spécialement dressé, si jamais je faisais une crise ou quelque chose de dangereux pour moi ou pour les autres, il allait chercher du secours. Il m’apportait mes livres, mon journal, mes lettres lorsque la gardienne lui ouvrait la boîte aux lettres. Il était un parfait petit assistant et il ne lui manquait qu’une chose essentielle à mes yeux : La parole. Je fermai les yeux, même si cela ne changeait rien. J’appréhendais toujours ces nuits… J’étais insomniaque mais il fallait bien que je dorme de temps à autres alors deux ou trois par semaine, je prenais un somnifère. Cela me suffisait à récupérer… Mais c’était toujours douloureux.

« Capitaine Bradford ! Anton et Ramirez nous ont pas suivis ! On fait quoi ?
-Sam, tu prends les commandes, ramène les autres au camp, dis au chef que c’est un échec, ils nous ont pris par surprise, on a perdu un homme et Greg est blessé… Je vais chercher Anton et Ramirez !
-C’est pas une bonne idée, capitaine, c’est vraiment le bordel là-bas.
-C’est un ordre, Sam. Hors de ma vue.
-Oui, capitaine… »


On n’abandonne jamais personne. Je suis leur chef, c’est moi le responsable de leur vie et je n’ai pas l’intention de les laisser mourir. Exactement comme mon chef m’avait sauvé avant ça. Chacun son boulot. Je regarde Sam partir. Je coince mon sniper dans mon dos et je sors mon pistolet automatique. Je pars dans la direction opposée. Des bombes explosent de tous les côtés. La fumée me pique les yeux et les narines. Tout le monde s’agite, les blessés sont transportés rapidement hors de la zone de combat, et bientôt, il n’y a presque plus de soldats américains. Il ne reste que des talibans. J’évite les balles, je plonge, je tire, je tue. Je ne compte plus le nombre d’enfants que j’ai tués. Je rentre dans les bâtiments détruits par les missiles de nos avions. Je cris. Pas un instant je regrette ma décision d’aller les chercher… C’est mon rôle. Je les trouve enfin, à couvert derrière un mur pratiquement en morceaux. Je me plaque à côté d’eux, Anton pisse le sang.

« Rapport de la situation !
-On a couvert la retraite des autres mais Anton a été touché à la jambe. Il peut plus courir, Capitaine. Je pouvais pas l’abandonner. Ils nous canardent depuis quinze minutes, on tiendra plus longtemps. »


Je prends une grande inspiration. Je passe la tête par-dessus le mur. Je tire. Deux balles. Deux de moins. J’ai toujours été le meilleur à ce jeu-là, c’est pour ça que j’ai été rapidement promu… Mon chef m’a répété que j’aurai un grand avenir dans l’armée. Je réfléchis.

« Partez !
-Quoi ? Et vous capitaine ?!
-Prends-le et barrez-vous, c’est un ordre !
-Oui capitaine. »


C’est la meilleure décision de ma vie… Donner ma vie pour deux types biens, finalement, j’aurai pu l’accepter. Parce que je ne valais pas grand-chose au départ, c’est franchement une belle mort. Il soulève Anton et l’aide à marcher. Je tire. Ils sont en lieu sûr… Et maintenant ? Je change de position. Je tente de revenir sur mes pas tout en évitant les balles. Je prends un autre chemin. Deux enfants… De jeunes enfants, quatre à six ans. Ils sont cachés, morts de trouille… C’est bien ma veine. Je ne peux pas les laisser là. Je prends le petit dans un bras et la main de la fille. Je cours. Un abri. J’entends un bruit comme un coup de tonnerre en plus puissant. Un obus. Je cache le garçon et lui fait signe de se boucher les oreilles. Il me regarde effaré et obéit. Au moment où je me retourne, je vois le missile qui tombe derrière la petite fille. Elle pleure. Je tends le bras. Tout a déjà explosé. J’ai été projeté en arrière. J’ai l’impression que mon corps entier est passé sous un camion qui s’est amusé à faire des aller-et-retours. Mes yeux brûlent. Je ne vois plus rien… J’entends une voix familière… Ramirez. Il me prend la main.

« Capitaine, je suis là ! On vous ramène au camp.
-… Le … Gar… J’ai de la poussière dans la bouche.
-Oui, oui, vous inquiétez pas, il va bien. Vous lui avez sauvé la vie, capitaine. Reposez-vous, ça va aller maintenant. »


J’ouvris les yeux… Pendant une demi-seconde, j’avais espéré. Mais je ne voyais toujours rien. Comme tous les matins. Mes mains tremblaient, mon cœur battait un peu plus vite que la normale. Je revivais ce moment indéfiniment. Comme si quelqu’un voulait me punir… Pourtant… J’avais sauvé une vie. J’avais reçu quelques médailles. J’étais un héros de la guerre… Alors pourquoi ne pouvais-je oublier ce jour-là ? Pourquoi ne pouvais-je pas passer à autre chose ? … Sans doute parce que j’étais toujours aveugle. Oh, certes, cela n’allait pas passer en claquant des doigts mais … Cette raison ne m’empêchait nullement de tenter l’expérience tous les jours. Je voulais retrouver ma vision dans le miroir le matin… Je voulais pouvoir admirer une jolie fille dans la rue… Je voulais voir. J’étais le meilleur avant, le meilleur tireur, j’avais une vue exceptionnelle. Et elle était morte à jamais ! A la place du monde, je revivais mes souvenirs continuellement. J’avais le choix entre mon enfance chaotique et la guerre. Au moins, pendant la guerre, j’avais fait des trucs utiles. Mes tremblements cessèrent. Je faisais des progrès, mes rêves n’entrainaient plus de crises. Le seul problème qu’il me restait étaient les bruits à l’extérieur qui me ramenaient deux ans en arrière. C’était normal et comme pour tout le reste, j’imaginais qu’avec le temps, cela passerait. Je poussai Poe qui sauta par terre et câlina Samy. Je le supposai aux gémissements joyeux de mon golden retriever. Je demandai à l’ordinateur l’heure. 06h33. J’avais un peu faim mais l’idée de manger me retournait l’estomac. Je bus un verre de whisky et allai prendre une douche. Je n’avais pas oublié la visite d’un futur ex-assistant. Comme tous les autres, je savais qu’il ne ferait pas long feu. J’avais décidé de l’éliminer rapidement celui-ci. Je ne voulais pas de quelqu’un dans mes jambes qui m’empêcherait de vivre ma vie comme les autres. Entre ceux qui étaient trop maternels et ceux qui n’en avaient rien à foutre de moi… Voire ceux qui se moquaient, j’avais fait le tour des connards avec à chaque fois des extrêmes. Je doutais qu’il ou elle soit le juste milieu que j’attendais. Je m’habillai sans faire attention … J’avais un système de classement de mes vêtements par couleur pour savoir à peu près comment je me fringuais. La seule idée ingénieuse de l’un de mes assistants. J’avais donc opté pour un tee-shirt noir et un jean… Trop d’originalité tue l’originalité. Je coinçai une nouvelle fois mon flingue dans mon dos. Il n’y avait plus qu’à attendre.

Le temps passa lentement. Mais c’était un fait, lorsque l’on attendait, le temps passait lentement. Je jouais avec mon revolver en sifflotant. Si ce nouvel assistant ne partait pas en courant, il allait adorer la suite des évènements. Je n’avais pas fait de crise depuis maintenant … une quinzaine d’heures. C’était reposant de ne pas rejouer cette scène pendant aussi longtemps … Mais ce n’était pas gratuit, plus je passais d’heure sans devenir dingue, et plus mes nerfs étaient à fleur de peau. Comme si j’étais en manque. Et je ne pouvais prendre mes médicaments qu’à partir de midi. Je sur dosais déjà le Valium donc je faisais vraiment attention au reste. Mes mains tremblaient un peu. Cela ne m’arrangeait pas. Si jamais les tremblements s’accentuaient, j’aurais deux chances sur dix de le toucher en lui tirant dessus… Ce qui aurait été vraiment stupide. Et ce n’était pas mon genre d’être stupide. J’essayais de me calmer. Le moindre bruit aurait pu me faire péter les plombs à cet instant précis, fort heureusement, même à New-York, les conducteurs n’étaient pas trop excités à sept heures trente du matin. Poe sautillait joyeusement devant moi. Il avait hâte de sortir… J’aurais bien aimé le faire mais à chaque fois que je voulais sortir… Je restais planté dix minutes devant la porte d’entrée en me répétant que ce n’était pas si compliqué et puis… Je faisais demi-tour.  Je ne pouvais pas le faire. Même sans y voir, les quelques fois où j’avais essayé, j’avais le sentiment d’être oppressé, agressé … Les sons étaient insupportables, le sol se mettait à trembler, mes yeux brûlaient … Alors je m’étais fait une raison, je ne pouvais pas quitter cet appartement.  Et puis, passée la douleur physique, j’étais mort de trouille à l’idée de me retrouver dehors… Aveugle. C’était trop insurmontable… Enfin, j’entendis la voix de mon voisin. L’assistant était là. Parfait. Mon gentil voisin le découragea à peine… Comme d’habitude, cela dit ce n’était pas plus mal. Il pouvait toujours partir s’il ne voulait pas d’un patron avec un « caractère de merde »… Et je ne pouvais que lui donner raison à cet emmerdeur. Cependant, il donna deux coups contre la porte. Courageux le petit… Ou alors il ne croyait pas les rumeurs. Je le laissai entrer puis surgis de mon fauteuil en pointant mon revolver sur lui. Je tirai à quelques millimètres de son visage. Même en tremblant et en étant aveugle, je restais le meilleur à ce jeu. Je l’entendis tomber lourdement sur le sol. Bien, bien. Au moins, il n’était pas parti en courant. Un sourire en coin s’afficha sur mon visage. Un de moins ! Je m’assis en face de lui et attendis qu’il reprenne ses esprits. Il se redressa. Je le regardai… Enfin… Mes yeux vides étaient braqués sur lui… Même maintenant, il ne semblait pas avoir envie de fuir. Peut-être qu’il était plus courageux que les autres alors ? Cela m’intriguait. Je penchai légèrement la tête sur la gauche. Geste que je faisais toujours lorsque je réfléchissais. Je me levai et lui tendis la main. Il la prit et se releva.

« Si vous n’avez pas envie de partir en courant, vous êtes engagé. Quel est votre nom ? »

J’attendis quelques secondes… Pas de réponses. Où il était mort de trouille et il était en train de reprendre ses esprits … Ou bien il ne voulait pas parler à un mec qui venait de lui tirer dessus … Ou alors, il ne pouvait pas parler. Trop d’hypothèses… Si seulement je pouvais le voir … Quel vœu stupide, si je voyais, il ne serait pas là ! Je poussai la porte et lui fis signe qu’il pouvait bouger. J’allumai la lumière, plus pour lui que pour moi. Il n’était pas parti. J’en déduisais qu’il ne pouvait pas me répondre. C’était pratique tiens !

« Vous êtes muet ? Vous venez me proposer vos services et vous ne pouvez pas me parler ? Ça va être très pratique, je vous signale que je suis aveugle, je ne peux ni lire ni voir vos gestes … »

Si j’avais pu lever les yeux au ciel, je l’aurais fait. Quelle idée saugrenue ! Enfin, ça pouvait être drôle aussi. Il était peut-être sourd aussi. Au moins, il ne pourrait pas m’entendre gueuler. Je ne pouvais que supposer les gestes qu’il faisait. Cela marchait parfois, pas toujours malheureusement … Je pouvais toujours lui acheter un gadget pour parler… Si je décidais de le garder. Il me regardait, j’en avais l’impression. Je poussai un soupir. Gueuler contre un mec qui ne pouvait ni entendre, ni me répondre voilà qui n’avait absolument aucun intérêt…. Peut-être que j’allais enfin me calmer ? Quoique, pouvoir faire chier mon voisin était une chose que j’aimais bien…. Je le détaillai avec autre chose que mes yeux…

« Si vous n’êtes pas mort de trouille, je suppose que vous faites l’affaire. Il y a un ordinateur là, vous pouvez écrire si vous voulez me parler, sinon vous … »

Et puis … Des travaux dehors … Un marteau-piqueur… Trop de bruits… Mon cœur s’emballe… Ma respiration s’accélère… Ma tête me fait souffrir… J’appuis mes mains sur mes tempes… Des coups de feu … Des explosions … « A couvert ! » … « Capitaine ! Ils nous canardent ! » … Non…  Je ne veux pas revivre ça … Mes yeux brûlent… Les images se forment sans que je puisse les arrêter… « Capitaine ! » … Stop …

03 Septembre 2011, région de Marjah dans la province d’Helmand. Opération Mushtarak. Capitaine Bradford et son unité.

« A TERRE ! Ils nous tirent dessus ! »

Je saute sur Sam. Il est complètement inconscient de rester debout sous le feu ennemi ! Nous tombons tous les deux par terre, dans le sable. Je l’attire contre moi et nous plaque contre le mur. Je sors mon arme, passe la tête par-dessus notre abri de fortune. Et tire, une balle. Touché entre les deux yeux. Je me baisse à nouveau et me tourne vers Sam. Il fait une chaleur intense ici. Les tirs ne s’arrêtent jamais. Les bombes explosent autour de nous. Je ne laisserai pas mes équipiers mourir ! Je me tourne vers lui.

« C’est quoi ton problème Sam ?! Tu veux mourir ?! Faut qu’on s’barre d’ici, la situation craint trop ! »

Je le prends par les épaules pour lui faire comprendre qu’on doit bouger. C’est catastrophique.

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Silence and darkness... [Pv : Sachou <3]

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