Un homme sortit de chez lui. C'était très tôt le matin. Cet homme était un homme triste: cela se voyait à son visage. . . Et cet homme s'appelait Théodore Kellerman. Il rangea les clés de sa maison dans sa poche. Il faisait froid. Le mois de décembre s'installait confortablement. Le jeune homme frissonna et resserra un peu sa grande veste noire qu'il boutonna jusqu'en haut. Il avançait lentement dans la rue, indifférent au bruit qui l'entourait, dans sa petite bulle, ailleurs. Dans ses pensés négatives. Sa phase était dépressive, mieux valait ne pas trop l'embêter. Ces jours là, son irascibilité pouvait entraîner plus d'une querelle bien que, en général, Théo évite les batailles. Ses cheveux bruns-noirs tombaient dans ses yeux de façon irrégulière. Il les avait laver hier mais déjà ils recommençaient à former de hideux paquets. Qu'est-ce qu'il se trouvait laid ! Laid dans les deux sens : intérieurement et extérieurement. Il ne méritait pas de vivre, de continuer de respirer. Ah ! Si seulement il avait pu, il se serait tout de suite pendu à n'importe quelle corde. Mais le cœur gros, l'envie le courage lui manquait. Il voyait tout en noir aujourd'hui, même cette toute petite parcelle de ciel bleu lui semblait grise, terne et maussade. Il en avait marre, marre de la vie. Marre de respirer et de marcher là, ayant pour seul but de ne plus tourner en rond chez lui, comme un animal en cage. Il s'assit sur un banc, respirant difficilement l'air matinal. Il en aurait hurler on s'en arracher les cheveux. Il le faisait en prison, parfois, lorsque tout allait au plus mal. Mais là il se trouvait dans la rue, au milieu de plein de gens. Il pourrait aller faire un petit tour du côté de son chef de gang mais il devait se trouver un autre travail comme couverture. Enfin... Pour le moment il voulait manger quelque chose. Il n'était pas gros mangeur, Théo, mais ses os ne ressortaient pas et il semblait même bien portant. Pour se qu'il avalait pourtant ! Il passa une main lasse sur son visage et fouilla dans l'une de ses poches pour en sortir son portefeuille. Il avait bien assez pour un festin ! Pas très sérieux de garder autant sur sois, dit donc... !


Il glana dans les rues une bonne demi heure avant d'arriver devant une sandwicherie. Il poussa la porte et attendit qu'un homme arrive vers lui. Il le salua avec courtoisie en lui demandant se qu'il désirait. Théodore lui demanda sur le même ton poli un Thon Mayonnaise. Il n'aimait pas le thon pourtant... Ni la mayonnaise. (Donc le choix est très logique ! ) En prison il avait pris l'habitude de manger de tout, même quand c'était dégueulasse. Il croisa les bras sur sa poitrine en attendant que l'homme lui fasse se qu'il désirait. (Fait sur place, hé oui ! 8D) Ses yeux se tournèrent vers l'écran de la télévision. Rien de bien important aux informations. Un viol, un incendie criminel et une chute violente de neige quelque part dans le nord des Etats-Unis. Les informations étaient toujours déprimantes, pleines de nouvelles désolantes et catastrophiques. Quand on est suicidaire, mieux vaut regarder quelques humoristes ! Théo soupira et sortit son portefeuille. Il déposa les sous sur le comptoir et partit de nouveau dans le froid de ce début de matinée. Rien de plus banal qu'un homme achetant un sandwich en marchant dans les rues de Boston ? Il s'assit sur un banc, face à un lac dans un parc, et regarda les hommes et les femmes faisant du jogging. Il aimait bien courir aussi de temps en temps. Il se rappelait encore les courses poursuites dans des ruelles étroites, dans son adolescence. Il échappait aux flics avec une grande dextérité.

Il mastiqua sans faim un bout de son sandwich avant de jeter quelques miettes aux canards. Il soupira encore, à croire qu'il portait le monde sur ses épaules. Non, il déprimait juste. Il ne fallait pas venir l'emmerder en tout cas. Il rejeta la tête en arrière et fut quelque peu éblouis par la luminosité de ce ciel entièrement blanc. Il ne neigeait pas encore mais ça ne serait tardé. Il finit par lancer tout son sandwich dans l'eau. De l'argent jeté par les fenêtres, dit donc ! Il devait trouver un métier et voir son psy avant jeudi. Dans quatre jours.

« Tu parles d'une vie de merde ! » siffla-t-il entre ses dents.

Mais puisqu'il fallait bien vivre sa vie... Et gagner sa vie en tout premier lieu, il se leva et plongea les mains dans les poches de son grand manteau. Il allait voir si son chef n'avait pas deux trois bricoles à lui refiler. Il s'engouffra dans les ruelles sombres, confiants. Il n'avait pas peur de tomber sur des cons, il leur refilerait quelques coups de poings bien placés si on l'emmerdait. Il avait déjà castrer un gars dans le passé. Ca avait été assez comique. Il sourit à ce souvenir, retrouvant une petite bonne humeur. Théo passa une main dans sa barbe mal rasée. Il aimait bien son look de dépravé. Il retrouva quelques gars de son gang et ils se claquèrent la main en signe de sympathie. Son chef était parmi eux, adossé au mur. Lorsqu'il le vit, il le salua.

« Hey qui voilà donc ! Tu te pointes tôt, t'as rien d'autre à faire ? Quoique ça m'arrange. Il faudrait que quelqu'un comme toi aille casser la gueule aux fouineurs du quartier Est. Dave t'accompagnera, faut lui apprendre à bien placer les coups.
-C'est se que j'attendais. A plus les filles !

Quelques ricanements suivirent. Depuis qu'il était sorti de prison, son chef l'avait accueilli avec grandes éloges puisqu'il l'avait sauvé des flics et de la taule. Maintenant ils s'entendaient comme cul et chemise, Théo était le petit chouchou de la bande et aussi l'un des plus ancien, étant rentré au début de son adolescence pour gagner de la tune et survivre. Il ne savait rien de sa mère, si elle était crevée ou toujours vivante et puis il s'en portait bien. Il regarda le prénommé Dave et ils se dirigèrent vers l'est du quartier. Chaque gang avait sa partie, eux, ils étaient à l'ouest.

Je vous laisse imaginer la scène de baston qui suivit leur arrivé chez le gang voisin. Personne ne fut tué mais ils comprirent le message ? Dave en sortit avec deux doigts fracturés : les coups de poings pouvaient être douloureux ! Quand à Théodore il n'eut qu'une petite entaille sur le visage et il aurait sans doute un bleu sur toute sa cuisse qui avait été frappé à l'aide d'une barre de fer. Théo laissa partir Dave de son côté, un brave type qui ne se plaignait pas. Théo s'adossa à un mur et tira une clope de sa poche. Il cherchait du travail demain et le psy, il prendrait rendez-vous pour mercredi. Ca lui laissait une petite marge. Il poussa un soupir et tira sur sa cigarette. Bon... Il était temps de se divertir un peu ! La nuit tombait presque déjà. En hiver, le jour déclinait plus tôt. Théo écrasa sa clope sous sa semelle et entra dans un bar. Il le connaissait bien ce bar, il y trouvait souvent de bonne tête. Ce soir il avait besoin de partager son corps avec celui d'un homme. Oui, Théo était bi. Il s'adossa au bar et commanda un verre en regardant chaque personne qui passait par là. Il s'arrêta sur une gueule d'ange. Ce dernier accrocha son regard et s'avança vers lui. Théodore sourit. Lorsqu'ils furent face à face il lança :

-Salut, gueule d'ange...

Kim marchait dans les rues de Boston. Sa veste et sa chemise étaient ouvertes, laissant la température extérieure pénétrer tout son corps. Il détestait l’hiver, il détestait le froid et la neige. En plus, les clients étaient plus rares en cette saison. Etrangement, il en avait eu un en début d’après midi… Particulièrement désagréable et il n’était pas prêt de l’oublier.

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Kim attendait sur le trottoir comme tous les autres. Il faisait froid. Les filles en mini jupes se serraient les une contre les autres pour se réchauffer. Une voiture s’arrêta, une berline noire, les vitres teintées, le genre de voiture assez flippante. Un mec ouvrit sa fenêtre et lui fit signe. Kim se rapprocha et lança presque joyeusement.

-Besoin de compagnie ?
-Ouais, monte s’il te plait.

Kim ne se fit pas prier. Il s’installa sur le siège passager en soupirant de bonheur face au chauffage de la voiture. Il alluma une clope et son client le regarda comme s’il était le diable. Il lui demanda poliment d’éteindre. Kim la jeta par la fenêtre tout en s’excusant. Ce mec était jeune, il ne devait pas avoir plus de vingt-cinq ans, il semblait un peu coincé. Le genre de client idéal, puisqu’il était inexpérimenté, c’était à Kim de gérer le rapport. Il se dit intérieurement que cette journée commençait bien. L’homme repartit. Il s’arrêta devant un magnifique hôtel, le genre d’endroit que Kim visitait… plutôt souvent en fait. Il commençait à se faire un nom dans le milieu. Mais en général, les clients fortunés préféraient que tout soit discret. Kim suivit docilement le mec jusqu’à une chambre. Il entra, les yeux remplis d’étoiles, le lit était immense et bourré de coussin jaune canari. Soudain, la voix de son client le sortit de ses pensées.

-Déshabilles toi.

Kim était un peu surpris de ce changement de comportement. Il n’avait plus le ton d’un homme timide mais celui d’un dominateur. C’était même plutôt effrayant mais Kim ne réfléchit pas trop et fit ce qu’on lui demandait. Les rideaux étaient tirés et seule une lampe de chevet éclairait la chambre. Il n’avait donc rien à craindre pour sa cicatrice. Une fois nu, dieu merci il y avait le chauffage, Kim se tourna vers son client. Il lui lança des menottes. Kim dût avoir un moment d’absence. Il n’avait aucune envie de faire ça. Il ne se laissait attacher que par les clients réguliers en qui, il avait pleinement confiance. Ce gamin avait l’air un peu psychopathe sur les bords. Le jeune homme se rapprocha de lui.

-Alors quoi, tu attends le déluge ?
-Je ne peux pas fa…

Il n’eut pas le temps de terminer sa phrase, le mec lui asséna une gifle magistrale. Kim avait très envie de partir. Il était rare de croiser des clients violents, il avait vraiment tiré le gros lot cette fois. L’homme lui dit de se bouger le cul et en ne voyant aucun mouvement de sa part, il lui donna un coup de poing dans le ventre. Kim tomba à genoux. Une violente douleur irradiait sa poitrine. Bordel. Le mec l’attrapa par les cheveux et lui chuchota de le faire, sinon il continuait. Il précisa qu’il n’allait pas le tuer. Kim monta sur le lit et fit ce que lui demandait son client, il ne faisait même plus attention à la douleur. Ca pouvait paraître stupide mais en lui disant qu’il n’allait pas le tuer, il l’avait rassuré. Par contre, il détestait être attaché. Il se trouvait impuissant et légèrement ridicule. Il entendit son client ouvrir sa braguette.

-Et puis, tu veux ton fric, ça doit bien faire trois ou quatre jours que t’es en manque. Tu le caches bien mais ta main gauche tremble parfois.

----------------------Flash Back----------------------

Kim n’était pas mort et n’avait récolté que quelques bleus , de plus il avait été payé trois milles dollars. Il n’en rencontrait pas souvent des mecs comme ça… heureusement. Avec une partie de l’argent, il s’était acheté de l’héroïne et un paquet de chips. Il n’avait rien mangé depuis la veille non pas que cela le dérange mais il pouvait mourir s’il ne mangeait pas. Il engloutit ses chips, se dégoutant lui-même de manger un truc aussi gras (anorexique vous dites ?) pourtant il ne perdait pas un gramme. Il faisait le même poids depuis une dizaine d’année et il mangeait trois fois moins qu’avant. Il jeta le paquet à la poubelle et retourna au pub où il louait une chambre. Les clients commençaient à arriver. Kim monta. Il prit une douche chaude puis s’allongea sur son lit. Il attrapa un élastique, se fit un nœud autour du bras gauche, presque comme un garrot. Il sortit sa seringue et se la planta dans la veine sans hésiter. Les shoots ne lui faisaient plus d’effets depuis longtemps mais la sensation de manque disparut et il se sentit mieux. Il ne prenait de la drogue que deux fois par semaine mais il en avait plus besoin que de manger. Il jeta tout à la poubelle et redescendis au bar. Il commanda un verre de Gin en espérant trouver un client.
Coup de bol, il fut abordé par –un pire que beau gosse- un homme très mignon. Il lui sourit en entendant « gueule d’ange », il en avait seulement le visage alors. Aucuns de ses actes n’avaient jamais été très angéliques (Archangique peut-être, non archangien ?) et franchement, il s’en fichait. Il termina son verre et posa un billet sur la table.

-Envie de chaleur par cette soirée d’hiver glaciale ?

Il le détaillait, le trouvant beau mais étrangement, il avait l’impression de l’avoir déjà vu. Mais où ? Il avait des yeux bleus absolument magnifiques. Kim lui proposa de monter dans sa chambre. Un mec pareil, ça ne se refusait pas. Il était rare que les hommes allant aux putes soient attirants. Et il n’allait pas manquer sa chance. Dans sa chambre, composée d’un lit double, de tables de chevet et une commode, il pouvait mieux voir cet inconnu. Ses yeux, il les avait déjà vu, il en était absolument certain, pourtant c’était la première fois qu’il voyait cet homme. Il posa sa main sur la joue de son nouveau client en le regardant avec nostalgie.

-C’est vraiment étrange… J’ai l’impression de te… vous connaître. Merde. Il avait dit cela à haute voix. Il lui sourit et éteignit toutes les lumières excepté une lampe de chevet. Désolé, je ne sais pas ce qui me prend, vous avez de si beaux yeux…

Il se traita intérieurement de crétin, il n’était pas là pour draguer. Il enleva sa chemise et regarda son client faire de même. Il était super bien foutu. Il lui prit la main et le tira doucement jusqu’au lit. Il se demandait qu’est-ce qu’il fichait avec des prostitués alors que tous les hommes, ou toutes les femmes devaient lui tomber dans les bras. Kim l’allongea et grimpa à cheval sur ses jambes. Il déboutonna le jean de ce bel homme. Les yeux de Kim se baladaient avec envie sur son torse musclé jusqu’à une marque étrange. Il avait beaucoup de cicatrice mais celle là, il la reconnaitrait entre mille. Elle ne pouvait appartenir qu’à une seule personne. Lorsqu’il était petit, il courrait avec des ciseaux (Maman disait que ce n’était pas bien pourtant) et il était tombé sur quelqu’un. Cela avait laissé deux entailles d’une même taille, parfaitement alignées. Ce quelqu’un, c’était son frère et il s’en était toujours voulu. Kim savait pourquoi ses yeux l’hypnotisaient tant, c’était ceux de son frère. Il ne bougeait plus, à cheval sur lui. Heureusement qu’il l’avait découvert. Kim n’avait pas beaucoup de limite mais là, c’était écœurant. D’ailleurs, il devait se demander ce qu’il foutait, là. Kim lui fit un sourire embarrassé, lui qui avait toujours voulu revoir son frère, on pouvait dire que les retrouvailles étaient… mémorables ? Inattendues ?

-Je crois qu’on ne va pas pouvoir faire ça. Il descendit des jambes de son frère et lui tourna le dos pour rallumer les lumières et tant qu’il y était, monter la température du chauffage. Il ne faisait même plus attention à sa cicatrice à lui. Il retourna sur le lit. Navré de t’avoir chauffé pour rien. Je suis certain que tu ne te souviens pas de moi, pourtant je me rappelle parfaitement de toi. Tu es Théo, Théodore Kellerman. Je suis Kim Johnson, ton frère.

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