SON HISTOIRE EN BREF

Je suis né dans les rues, le 14 mai 1864 et n'ai jamais connu ma mère. Je suppose qu'elle est morte le jour de ma naissance, ou bien est partie parce qu'elle ne pouvait, ou ne voulait, pas s'occuper de moi. Mon père ne m'en a jamais parlé, et j'ignore si j'ai envie de le savoir. Bref. C'est mon père qui m'a élevé depuis mon plus jeune âge. Il m'a même appris à voler, et à faire des tours de magie pour qu'un jour je puisse m'en sortir tout seul. J'ai vécu dans les rues, avec lui, pendant huit longues années, jusqu'au jour où il est mort.
Je crois qu'on l'avait battu à mort. Il avait dû se faire attraper et on l'a sévèrement puni. Ou bien un homme n'avait-il pas apprécié se faire arnaquer au jeu de carte ? Je ne sais pas. En tout cas, j'ai retrouvé son corps. Je n'ai pas pu l'enterrer, je n'avais que huit ans. Alors j'ai dissimulé son corps sous une vieille couverture usée avant de me glisser jusqu'à l'endroit où nous avions l'habitude de dormir. J'ai longtemps pleuré : j'étais seule et je ne savais pas comment j'allais me débrouiller dans les rues, pour manger, pour vivre. Je n'avais plus envie de rester vivant, de toute façon.
L'instinct de survie fut plus fort. Je volais pour me nourrir un peu, je courais dans les rues, je m'habillais de vieux habits que je trouvais parfois au fond des armoires des gens... Je faisais ce que je pouvais, comme je le pouvais. Et puis, un jour, deux ans après la mort de mon père, alors que je m'étais infiltré dans la cuisine d'un manoir pour y voler des croissants, un petit garçon me surprit, d'un an mon cadet. Je crus qu'il allait me couper la main, me dénoncer, mais il n'en fit rien. Il fut gentil, avec moi, et me permis de manger, et même de dormir dans sa chambre pour ne pas que j'ai froid, dehors. Ma chance tourna alors, soudainement. La famille de Tobbias était très gentille, surtout ses frères et son père, qui accepta de m'héberger ici autant de temps que je le souhaitais !
Pendant un an, mon bonheur fut presque complet. Ne manquait que mon père, et tout aurait été parfait. Mais tout s'effondra lorsque Monsieur De Bucy disparut en mer, avec sa flotte, en allant en Amérique. J'étais peiné pour Tobbias, car je savais ce que l'on pouvait ressentir. Mais je ne pouvais plus rester au manoir, car ne restait que la mère de mon ami, qui était horrible, bien que je ne l'eus jamais rencontré. Je fus contraint de vivre dans la rue, à nouveau. Mais Tobbias ne m'abandonna pas pour autant, et il m'apportait à manger, de temps à autres, ainsi que des habits, et autres besoins rudimentaires.
Je compris, un jour, que Tobbias avait de graves ennuis, chez lui, resté seul avec sa mère possessive. J'essayai donc, le plus souvent possible, de le tirer dans les rues en ma compagnie, et nous arnaquions les nobles avec brillot, jusqu'à ce que nous nous fassions un nom dans les rues de Paris. Nous étions, et sommes toujours, d'illustres magiciens ! Mais avant tout, d'ignobles arnaqueurs...